Qu'est-ce qu'on zieute ce soir ? 

La Forêt d'émeraude 


« Au passage, je captais une conversation où il était question d'un film que j'avais vu lors de sa sortie. La Forêt d'émeraude de John Boorman. Une personne se demandait comment la danse de vision s'obtenait. Le souvenir de type reniflant de la poudre verte me revinrent en mémoire. » Des séquences défilèrent devant ses yeux, les tons de verts, les visages peints des Indiens, l’œil de l'oiseau de proie, sa vision périphérique, les effets psychédéliques de la drogue. Voilà dans quel univers Nelson Valbo se retrouvait à son insu. Collons un œil sur ce kaléidoscope. 

La Forêt d'émeraude - The Emerald Forest - est un film britannique réalisé par John Boorman, sorti en 1985. Le tournage se déroulait à Belém, Rio de Janeiro et São Paulo et sur le chantier du barrage de Tucuruí (État de Pará). Le scénario est basé sur une histoire vraie, celle d'un ingénieur péruvien dont le fils avait été enlevé par des Indiens. Ce qui n'aurait pu être qu'une apologie post-hippie (le film date de 1984) du retour à l'état de nature se transforme assez rapidement en une magnifique réflexion sur l'identité, l'appartenance à un territoire, la survivance (difficile voire impossible) de sociétés préindustrielles. 

L'affiche du film 
(version française) 


Synopsis 

  Tommy, 5 ans, le fils de Bill Markham, ingénieur américain venu construire un barrage hydraulique en bordure de la forêt amazonienne est enlevé par une tribu d'indiens : les Invisibles. Pendant dix ans, son père le recherche en vain, tandis que Tommy est élevé par la tribu selon leur culture. Quand il reçoit l'initiation qui fait de lui un homme, il part seul dans la forêt afin d'y chercher des pierres dont la boue extraite permet à son clan d'être invisible. Au cours de sa quête, il retrouve son père Bill, qui a été blessé par les Féroces, ennemis jurés des Invisibles. Il l'emmène dans son camp où le sorcier Wanadi le soigne. Une fois guéri, Bill veut rejoindre le site du barrage en emmenant Tommy avec lui, mais celui-ci refuse et le laisse revenir seul.
  En retournant au camp, Tommy s'aperçoit que les Féroces ont capturé les femmes de son peuple pour les échanger avec les Blancs contre des armes à feu. Avec le reste des hommes de la tribu, il tente de libérer les femmes, mais ils sont décimés par les armes à feu des Féroces. Les survivants demandent au père de Tommy de leur venir en aide. Celui-ci organise alors un raid contre les trafiquants qui prostituent les femmes des Invisibles. Après que Tommy a retrouvé sa femme Kachiri, son père admet que la construction du barrage est la source de la dévastation de la forêt, et pense le faire sauter. Tommy reste avec sa femme et son peuple adoptif dont il est devenu le chef. Ils font appel aux grenouilles qui avec leur chants provoquent des pluies diluviennes, qui engendrent une crue de la rivière, qui détruit le barrage. 
Le rôle du père de Tommy était joué par Powers Boothe, décédé le 14/05/2017 à Los Angeles (Californie). 

Tommy et Bill Markham 
(B. Markham aka Powers Boothe) 

Quelques photos du film: 



Ayahuasca

  L'ayahuasca ou yagé, mentionné dans le film, est un breuvage consommé traditionnellement par les chamans des tribus indiennes d'Amazonie, utilisé pour sa capacité curative associée aux croyances et pratiques locales. Il permettra à Tommy de découvrir quel est son animal totem: l'aigle. L'ayahuasca est inscrit depuis 2005 (JO du 3 mai 2005, publication de l’arrêté du 20 avril modifiant l’arrêté du 22 février 1990) au registre des stupéfiants, que ce texte présente comme une liane originaire d'Amérique latine ou comme une décoction. Un recours, déposé le 4 juillet 2005 devant le Conseil d’État par les associations pour la « Liberté du Santo Daime » et « La Maison qui chante » (Takiwasi), a demandé d’annuler, pour excès de pouvoir, l’arrêté du ministre de la solidarité, de la santé et de la famille. Au regard des préoccupations de santé publique, ce recours a été rejeté par le Conseil d'État lors de sa séance du 3 décembre 2007 (lecture du 21 décembre, communication aux requérants le 4 janvier 2008). 

Pélerinage

  Il y a vingt ans, l’ayahuasca était inconnu du grand public. Au milieu des années 90, l'envie de découvrir sa personnalité par différents chemins spirituels s'est imposé à certaines personnes. C’est à ce moment-là que la fréquentation du Chemin de Compostelle a explosé. Les anthropologues qui interrogent les touristes chamaniques en Amazonie emploient le même mot pour parler de cette démarche: c’est un pèlerinage. Il n’y a jamais eu autant de gens prêts à quitter leur confort et leur culture pour aller faire un long périple afin de faire connaissance avec soi même, voire une forme de guérison. 

Au commencement de l'ayahuasca il y a le Banisteriopsis caapi 


Vomissures, chiasse et visions

  Très amer, l'écorce fraîche est parfois chiquée ou réduite en poudre pour être prisée comme c'est le cas dans certaines parties de l'Orénoque. Qu’éprouve-t-on, une fois avalé ce brouet ? Les effets apparaissent rapidement après ingestion (une demi heure après environ) et se poursuivent pendant plusieurs heures. Cette mixture végétale fait vomir, ça file la chiasse et des visions effrayantes apparaissent. On distingue deux types d'effets: les effets psychotropes centraux et les effets périphériques. Les effets sont multiples, certaines personnes ont des visions cosmiques, des dialogues avec des plantes et des animaux, des plongées à l'intérieur d'un corps, des diaporamas autobiographiques, des expériences traumatiques de l’enfance montées comme des séquences de cinéma. C’est un hallucinogène beaucoup plus visuel que d’autres. Pour les nostalgiques c'est le retour à Katmandou ou à Goa mais puissance dix. Fondamentalement, la préparation est utilisée comme un catalyseur de transformation par les chamans, mais aussi par la psychothérapie contemporaine. Si vous voulez de l’expérience intérieure, de la recherche sur soi, c’est un outil puissant mais dangereux. 

La mixture végétale avant infusion 

Pôle Emploi chamanique

  La prise de la plante se fait dans un cadre rituel, de préférence dirigé et contrôlé par un chaman. Et pas, par un gonze flairant le bon plan pour dépouiller les couillons. Lorsque l’ayahuasca est consommé en groupe dans un rituel, les vomissements sont considérés comme faisant partie de l’expérience. être un bon ayahuasquero, ça s’apprend au cours de longues années, c’est comme devenir psychanalyste. Aujourd’hui, à Iquitos (cette ville du Pérou amazonien est une sorte d'agence du Pôle Emploi chamanique) même les chauffeurs de taxi s’improvisent ayahuasquero. à Iquitos, on finit souvent par boire autre chose. N’importe qui peut mettre des plantes dans un pot, les cuire ensemble et vous les administrer. Et puisque les gringos veulent des visions, on met par exemple du datura dans la mixture. Connu localement sous le nom de toé, ce dernier fait l’unanimité contre lui. C’est une plante dangereuse, utilisée en sorcellerie. Si vous buvez une ayahuasca chargée de datura, vous prenez des risques pour votre santé mentale. Les hallucinogènes créent un état d’hyper suggestion et vous devenez beaucoup moins critique face à ce qu’on vous dit. Aux risques de mauvais trip s’ajoute, pour les femmes, celui des abus sexuels commis parfois par un ayahuasquero alors qu’une voyageuse est sous l’effet du produit. 

Cocktail malsain 

Cerveau est une éponge 

  Lorsque vous prenez de l’ayahuasca, vous confiez votre psyché à quelqu’un. Si cette personne n’est pas scrupuleuse, elle peut facilement abuser de vous. Ce danger d’emprise est le revers d’une médaille: l’ayahuasca suscite la perception d’un lien entre soi et l’autre, le cerveau est une éponge. Chez les chamans, on utilise cette propriété pour s’identifier à des plantes ou à des animaux et négocier avec eux au nom de la communauté humaine. Si des tribus se font la guerre dans la forêt, la drogue est utilisée pour tenter de percevoir les intentions de l’ennemi. Chez les Ashaninka de la vallée de l’Ene, au Pérou, toute la communauté boit l’ayahuasca, y compris les nouveau-nés, dans un rituel qui sert à créer un esprit de groupe. Ailleurs, les hallucinogènes sont administrés aux adolescents lors des rites de passage. On utilise l’état d’hyper suggestibilité pour inculquer aux jeunes les valeurs de la tribu et pour les aider à se construire à travers une vision de leur chemin de vie.  

  Ne craignez rien vous n'aurez pas d'hallucinations en visionnant La Forêt d'émeraude. Et puis, vous êtes libre de vous faire arnaquer à Iquitos, d'allez gerber, d'avoir la courante et de vous transformer en Casimir ou en Bob l'éponge au milieu de l'Amazonie si ça vous chante. Mais faites gaffe ! L'innocence n'est pas toujours au rendez-vous. Vous êtes prévenu. 

Posologie: 1 dose (n'importe quel jour de l'année, matin, midi ou soir)
Docteur Zicmu.  

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