Ordonnance du Docteur Zicmu: 

Buddy Bolden's Blues 

  Kip Hanrahan est un musicien de jazz, impresario, producteur et percussionniste américain. Buddy Bolden's Blues est présent dans l'album suivant: All Roads Are Made Of The Flesh sorti en 1995. (Label: American Clavé). Mais bien avant que Kip Hanrahan ne l'interprète, Buddy Bolden's Blues a une histoire, l'histoire d'un type à la destinée trempée dans la poisse. 
  Le thème « Buddy Bolden’s Blues » écrit par l’extravagant Jelly Roll Morton qui, vers 1910, faisait imprimer sur ses cartes de visite « Inventeur du Jazz ». Le trompettiste Buddy Bolden, auquel il était rendu hommage dans cette composition, est le plus grand mystère de l’histoire du jazz: de lui, on connaît une photos sépia, mais on ne sait pas grand chose de sa vie, si ce n’est qu’il fut au début du siècle dernier l’un des musiciens les plus célèbres de la Nouvelle-Orléans. 


  Sur cette photo Buddy Bolden est présentable car la vie ne lui fit aucun cadeau. Ceux qui l’ont entendu à l’époque vantaient ses qualités d’improvisateur, à une époque où le jazz n’était pas encore tout à fait le jazz. Alors qu’il avait 30 ans, en 1907, le cerveau rongé par l’alcool, Bolden cessa de jouer et dut être interné dans un asile jusqu’à la fin de sa vie en 1931, sans rien laisser de son talent. Il est resté une figure historique de la Nouvelle-Orléans. La légende raconte qu’il aurait réalisé des enregistrements sur cylindres, jamais retrouvés, mais à la Nouvelle-Orléans, on sait que l’imagination est très féconde, et que les morts sortent... la nuit. Parfois. Poissard aurait pu être son surnom et il n'était pas le seul dans ce cas à Storyville. Storyville ? 
  C’est dans ce quartier de La Nouvelle-Orléans, vers 1900, que le jazz a poussé ses premières notes. Cette ville connaissait déjà une vie musicale importante, fondée essentiellement sur un répertoire français de marches, quadrilles et autres danses à la mode.
Les Créoles en étaient les principaux exécutants. Les Noirs, regroupés dans le quartier de Perdido, recréèrent les airs qu’ils entendaient, se rassemblant en des orchestres d’instruments bricolés (banjos fabriqué à partir d’une boîte à cigare, contrebasses obtenues à partir d’un tonneau ou d'une lessiveuse... ) que l’on dénommait spasm bands. À partir des brisures et des syncopes que les Noirs avaient apportées à ce répertoire, une nouvelle formule s’élabora, le ragtime, qui fit fureur dans les bars de Storyville, le quartier « rouge » de La Nouvelle-Orléans. 
Sur le plan, Storyville indiqué par le rectangle rouge et Perdido par le trait rouge


  De grands noms du jazz firent leurs débuts dans ce quartier, outre Buddy Bolden et Jelly Roll Morton, il y eu Jimmie Noone, Pops Foster et le plus célèbre d'entre eux, Louis Armstrong. Il ne reste plus guère de traces de Storyville, à l'exception du saloon du Lulu White, de celui de Joe Victor et du magasin Tark « Terry » Musa.
C’est dans les rangs des fanfares se produisant dans les défilés, les enterrements, les réunions électorales qu’il faut chercher les premiers noms célèbres du jazz: le trompettiste Buddy Bolden et le cornettiste Freddy Keppard.
  Quant au mot lui-même jazz, il apparut seulement vers 1915, dérivé, sans doute, d’un terme d’argot qui désignait l’acte sexuel. Il paraîtrait qu'au début le mot s'écrivait jass (source non certifiée). Ce n’est que dans les années 20 que le nom sera généralisé. Puisque Buddy Bolden's Blues a été créé par Jelly Roll Morton (on dit même qu'il aurait été un « julot casse croûte » dont chaque relevés de compteurs lui rapportait pas mal de biffetons). Quoi, vous entravez que dalle ! Un julot casse croûte est un mac, un maquereau, un souteneur. Comme Jelly Roll Morton jouait dans les boxons locaux. Boxons, bobinards, des bordels quoi ! Faut tout vous expliquer ! 
  Né à Storyville en 1890, son véritable blase était d'origine française, il s'appelait Ferdinand Joseph Lamothe et son surnom de Jelly Roll venait d'un gâteau roulé et serait une blague en dessous de la ceinture. Vous voyez ce à quoi cela fait penser ?   
Voici monsieur Ferdinand Joseph Lamothe dit Jelly Roll Morton. 


Et son hommage à Buddy Bolden: 

Buddy Bolden’s Blues

« I thought I heard Buddy Bolden say
You nasty, you dirty take it away
You terrible, you awful take it away
I thought I heard him say

I thought I heard Buddy Bolden shout
Open up that window and let that bad air out
Open up that window, and let the foul air out
I thought I heard Buddy Bolden say

I thought I heard Judge Fogarty say
Thirty days in the market take him away
Get him a good broom to sweep with take him away
I thought I heard him say

I thought I heard Frankie Dusen shout
Gal, give me that money I’m gonna beat it out
I mean give me that money, like I explain you, or I’m gonna beat it out
I thought I heard Frankie Dusen say » 
______ 

« J'ai entendu, mon ami Bolden dire
Le méchant et sale, emmenez-le
Vous êtes terrible et horrible, emmenez-le
Je l'ai entendu dire

J'ai entendu, mon ami Bolden crier
Ouvrez cette fenêtre et liberez ce mauvais air
Ouvrez cette fenêtre, et liberez l'air dégoûtant
J'ai entendu mon ami Bolden dire

J'ai entendu le juge Fogerty dire
Donnez-lui 30 jours sur le marché
Emmenez-le 
Donnez-lui un bon balai pour nettoyer avec
Emmenez-le 
Je l'ai entendu dire

J'ai entendu Franky Dusen dire
Jeune fille, donne-moi cet argent ou tu vas le regretter
File-moi cet argent, comme je te disais, ou tu vas le regretter
J'ai entendu Franky Dusen dire » 

  Frank Dusen Jr. ou Duson dit Frankie Dusen, né vers 1880 à Algiers (quartier de La Nouvelle-Orléans) il était tromboniste de jazz et connu pour avoir repris la formation The Eagle Band de Buddy Bolden en 1907, quand Buddy fut interné dans un asile. Jelly Roll Morton lui rend hommage dans la chanson Buddy Bolden's Blues, enregistrée en 1939. On ne connaît pas d'enregistrement de lui. Il mourut dans la pauvreté vers 1940. 
  Voici de quoi vous farcir les cages à miel avec Jelly Roll Morton aux claviers. Et ne râlez pas, à l'époque il n'existait pas de film sur lui en train de jouer, donc l'image est fixe. 



Cela vous a plu ? Imaginez Jelly Roll Morton en train de pianoter dans un beuglant au milieu de la fumée, des vapeurs d'alcool et gardant un œil sur les gisquettes parfumées. 
Posologie: 1 dose matin, midi et (surtout) le soir, par jour
Docteur Zicmu. 


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