22/12/2016

Qui est qui et qui fait quoi ?  

Nelson Valbo 

  Pour faire vivre des personnages, leur donner de l'épaisseur, rien de mieux que d'esquisser le portrait de certains d'entre eux. Les autres se dévoileront au fil des pages. Aussi est-ce par le personnage principal plongé à son insu dans un panier de crabes, que la galerie commence. Gare aux pinces ! Monsieur Nelson Valbo. 

Quelle est l'origine de son nom ? 

  Comme je l'ai déjà écrit, j'ai vécu quelques années à Saint-Etienne et un quartier m'est resté en mémoire. Valbenoite. Valbo étant le diminutif de l'établissement scolaire situé à proximité de l'abbaye du même nom. Quant à son prénom, c'est une petite provocation et un hommage de la part de sa mère qui est britannique, anglaise plus exactement. Après des études à l'école régionale des Beaux-Arts de Saint-Etienne, dans les années 70, entrecoupées d'un séjour annuel chez les chasseurs alpins, il mit les pinglots chez les laborieux à Lyon, dans une atelier de décoration publicitaire. 

Comment est-il passé de la pub au journalisme ? 

  Parallèlement à son activité de barbouilleur de panneaux de pub, il s'évadait en écrivant des polars (restés à l'état de projets) ou des nouvelles, lesquelles paraissaient dans Centre Dimanche (édition dominicale de La Tribune-Le Progrès). À l'époque, son style narratif fit mouche, à tel point que le directeur de la rédaction lui proposa d'être pigiste. Il s'installa définitivement à Saint-Etienne. De pige en pige, d'année en année, il obtint sa carte de presse. Mais le changement de ligne rédactionnelle lié au rachat du journal par la SOCPRESSE, l'incita à suivre son mentor journalistique. Jérémy D'Echo. Il se lança dans l'aventure en compagnie d'autres pigistes et de nouvelles plumes. Signé Furaniax ! était né. 

Est-il plus Clark Kent que Tintin ou lycée de Versailles ? 

  Ce n'est pas le genre à planer en collant bleu et cape rouge et il ne se trimbale pas avec un Fox-terrier à poil dur. Il est d'un abord sympathique, paraissant exercer son taf en dilettante mais c'est mal le connaitre. Quand il tient un os il ne le lâche plus, quitte à donner de sa personne. Ses méthodes d'enquête s'apparentent parfois à celles d'un privé, quitte à jouer les funambule. Toujours sur le fil... de la légalité. Volontiers moqueur, adepte, à son dépens parfois, d'un humour incompréhensible aux oreilles du vulgum pecus. Si les cons étaient une catastrophe naturelle ils dépasseraient 9 dans l'échelle de Richter selon son opinion. 
Et au quotidien comment est-il ? 
  Il a gardé sa passion pour la création artistique, bien que certaines toiles soient inachevées ou prennent la poussière. La musique tient une très grande place dans sa vie et dans son boulot. Uniquement du rock, de la salsa, du blues voire de la cornemuse. Toute forme de soupe musicale est bannie, c'est même une des conditions d'embauche d'éventuels stagiaires disposés à partager sa tanière journalistique. Si, il décèle que la personne n'est pas formatée, il l'éduque musicalement. Jimmy Page, oui ! Johnny, non ! Où alors Cash ! Avec parfois l'aide du Docteur Zicmu, le « critiquailler » inoxydable de Signé Furaniax !
A t-il une famille ? 
  Oui, sa mère et sa sœur, citées au détour d'une page. Quand à son père, il est décédé dans les années 60, vraisemblablement lors d'un reportage dans des conditions « étrangement » non élucidées. C'est d'ailleurs lui qui lui injecta le virus de l'écriture. Par contre, Jérémy D'Echo, le « Citizen Kane du Crêt de Roch » (comme il le surnomme parfois) peut être considéré comme son Tonton Scoop, confrère et ami du père de Nelson Valbo. 
Et dans la vie privé, c'est soirée pizza ou tortore mitonnée par sa moitié ? 
  Il cultive son célibat dans un monde cinématographique et décoratif où les privés et les « pépés » des années 50 se côtoient, notamment dans son bureau qu'il a aménagé à l'intérieur de son loft. Ses fringues sont en partie un clin d’œil à cette époque mais il sait vivre dans son époque. Quant à la tortore, ce n'est pas un manche il cuisine très bien. Les pizzas surgelées ce n'est pas sa tasse de thé. L'extrait de texte suivant décrit succinctement son bureau. 

   « Journaliste à Signé Furaniax ! j'y avais recréé l'univers mythique, à mes yeux du moins, d'un « privé » de cinéma, version noir et blanc, en v.o de préférence. Pour entrer dans la peau du personnage, j'avais calligraphié, en partie, ma raison sociale sur le verre dépoli de la porte: Nelson Valbo, report... Depuis la désertion affective de mon ex, j'étais le seul à apprécier ce clin d’œil égocentrique. Sur un bureau ministre voisinait une lampe modèle administration, millésimé cinquante, un PowerMac, un lecteur de disquette d'occasion, et un superbe téléphone noir à pied vertical, dont je ne me lassais jamais d'entendre le clonc !, de la fourche, métallique et sourd, lorsque je raccrochais; m'envoyant au choix, chez Ed Mc Bain ou Marlowe. Tournant le dos aux insolentes plastiques de Françoise Arnould et de Kim Novak, encadrées au dessus de mon bureau. » 

Et comme signes particuliers ? 

  Physiquement, rien de particulier à signaler. Sinon il possède une voiture de collection - son collector - une AMC Rambler Classic de 64 - qui le déleste de quelques euros à chaque panne. Mais quand on aime, on ne compte pas, se dit-il. Un lien familial dont il est fier mais qu'il cache par pudeur, c'est d'être le cousin d'une célébrité. Une des plus grande voix du rock. Bien qu'à ses heures perdues il fasse partie d'un groupe vocal reprenant à cappella des titres de blues ou de rock, il ne l'égalera jamais. Il en est parfaitement conscient. 

  Sur ce, à bientôt... pour une prochaine autopsie. Bonne lecture !    


21/12/2016

Autopsie d'un lieu 

Scène de trime: Le repaire 



« Nord-Ouest de Saint-Étienne,
  Le corps de bâtiment d’une mine désaffectée depuis des années émergeait à peine de l’obscurité, sur le carreau stationnait un véhicule incongru en ces lieux: une superbe Mercédès classe S noire métallisée. Deux volées de marches aboutissant à un portail métallique, en autorisait l’accès. À l’intérieur, noyées dans la pénombre, on devinait les contours d’imposantes carcasses de machines. Les dentelures de roues entreposées là, laissait à penser qu’il abritait des squelettes de dinosaures abandonnés dans une réserve de musée. Le ronronnement lancinant s’échappait d’une trappe pratiquée dans le sol cimenté. De temps en temps, une lueur jaune apparaissait par intermittence. Dans le soubassement, des boxes y avaient été aménagés, divisant d’anciens ateliers de maintenance au sol défoncé. » 

Qu'est-ce qui inspire une situation, le lieu ou la narration ? 
  L'idée d'utiliser d'anciens bâtiments industriels, dans le cas présent un puits de mine, m'est venu alors que je cherchais un endroit discret et éloigné de toute zone urbaine. Après des recherches dans divers documents, j'ai localisé l'endroit, à mes yeux, idéal. Sauf qu'il n'y avait plus de bâtiments ni de structures rappelant le passé. Excepté, après une visite sur place, une stèle à la mémoire des mineurs du puits de La Chana. Seule la configuration du lieu, terrain plat herbeux, dépourvu d'arbres, laissait à penser que c'était le bon endroit. Je dis bien c'était car le lieu a changé de configuration.  
Maquiller la réalité fut donc nécessaire ? 
  Oui et non. Je n'ai fait que rebâtir une partie du lieu en y transposant le repaire provisoire d'un sinistre trio. La narration s'est adaptée au lieu. Lequel avait vécu un drame terrible en 1942. Ce jour là, le 21 janvier à 4 heures du matin, un coup de poussière tua 65 mineurs de l'équipe de nuit dans la 14 eme couche du puits situé à Momey, au nord-ouest de la ville. 
 Plan de situation (croix rouge) 

  
Quelques vues prises en 1997. 
  Aujourd'hui on swingue sur l'ancien carreau de la mine, où se situe le trou n° 2 du golf de Saint-Etienne et un lotissement résidentiel borde celui ci. Sur ce, à bientôt... pour une prochaine autopsie. Bonne lecture ! 


     

20/12/2016

Autopsie d'un lieu 

Scène de trime: Au numéro 10 

  Si vous êtes comme moi, j'aime bien m'imprégner de l'atmosphère d'un thriller ou d'un polar en situant les lieux d'actions. Cela épice le pâté cérébral. Mais parfois l'imagination nous joue des tours. Donc, de petites visites " touristiques" à travers les lignes du roman vous sont offertes. Ouvrez vos chasses, c'est à l’œil !     

Mais pourquoi le 10 ? 

  Quelle est la raison qui pousse à choisir telle ou telle scène de crime dans un roman ? À priori aucune mais c'est rarement le fait du hasard. Disons que parfois les souvenirs personnels y sont pour quelque chose. Certes, mais inutile de chercher des poux sur un crâne rasé, le destin - monsieur Destin ! - s'est amusé a détourner ce leitmotiv bien connu, c'est la faute à pas de chance. Tu parles Charles ! Une scène de crime se déroulant à un endroit particulier n'est jamais le fait du hasard ! Mais de la volonté de l'auteur. Dans le cas présent, monsieur Destin a jeté son dévolu sur une adresse située dans une petite rue bien tranquille d'un quartier proche du centre ville, la rue des Deux Amis
À deux pas du Pandore Palace ! (la maréchaussée avait vue sur une partie de la rue, à l'époque). 
  Il faut remonter l'échelle du temps pour en trouver l'explication. C'était en... Vous vous en tamponnez le coquillard mais tout un chacun a, dans un recoin de sa boite à pâté, un lieu, un endroit précis où se sont tartinés des souvenirs. Ce qui est le cas pour cette scène de crime. À l'époque, cette adresse était accessible, il n'y avait pas de mur en moellons, ni de digicode. Un couple de mes connaissances y résidait - Jean Yves B. et Marie Anne - et y coulait des jours heureux (du moins je le pense) dans un triplex agréable. Que de discussions, de repas baignés de passions culturelles. C'était en... Peu importe, seuls les souvenirs restent. À l'heure actuelle, une céramiste y développe son art et les moellons sont remplacés par une grille ouvragée. 
  Plan de situation (croix rouge) 
    Vue d'époque (1997). Son animation et les moellons du 10 (à gauche). L'AX (à droite) est stationnée face à l'ex-Pandore Palace.  
   Vue panoramique. Du brouillard et M. Destin, le décor est... planté.  
Pour celles zé ceusses qui feraient la tronche face au sous titre " scène de trime ", je rappelle que le mot trime signifie rue, chemin, route ou autoroute en argomuche (argot pour la bleusaille). Dans la même famille il y a trimer qui signifie marcher, faire un effort. Donc scène de trime = scène de rue. Pigé les gaziers ! Alors bonne lecture...  

Tranche d'une vie matinale  

 « Mme  Khetibi, les yeux encore bouffis de sommeil, trottinait essoufflée. À sa montre, il était 07h10, lorsqu’elle s’arrêta devant une porte métallique. L’accès du 10 rue des Deux Amis était barré par un mur de moellons. Il y avait un interphone. Elle s’annonça, s’apprêtant à balbutier son retard. Non pas qu’il soit grand, mais elle ne voulait pas perdre ses heures de ménage qu’elle avait eu beaucoup de peine à obtenir. La petite entreprise de nettoyage qui l’employait avait du mal à placer ses femmes de ménage, l’extrémisme patriotique s’étant insinué chez une majorité de clients. Elle tendit l’oreille, pas le moindre craquement, ni le moindre chuintement. Elle ouvrit la porte avec la clé que lui avait confié, à sa grande surprise, l’occupant des lieux. Une rampe en ciment mourait en craquelant dans une courette en terre battue. Un tas de vieilles planches et un reste de palette couronnées de neige gisaient le long de la maison mitoyenne. Sur la droite, un escalier menait à un logement triste comme l’était la façade en basalte.
Les lieux ne pouvaient renier leurs origines ouvrières. Une plate bande en friche et un arbuste attendaient le prochain printemps, masquant une fenêtre condamnée du rez de chaussée. L’abandon semblait s’être emparé de la maison. Elle fit le parallèle entre la personnalité de De Riotord et l’endroit, socialement éloigné du vieux monsieur.
  - Il goûte ses petits bonheurs dans un écrin de tristesse, se dit-elle, en traversant la courette noyée dans la pénombre. Cinq marches menaient à une porte en bois, surmontée d’un petit chapiteau encadré de ramures gelées. Au delà de la porte, des flaques d’ombres s’étalaient sur une petite terrasse carrelée. » 
Quelle sera la vicissitude de madame Khetibi ? 
  Aurait-elle dû commencer par cette adresse ? Si la poisse se mangeait en tartine il est certain que cette fée « du logis d'autrui » n'y aurait pas goûtée, même pas une miette. Mais voilà, M. Destin en a décidé autrement. L'angoisse de perdre son emploi ne lui a t-elle pas jouée un mauvais tour ? Et si elle n'avait pas été en retard, que lui serait-il arrivé ? Allez savoir...    

12/12/2016

Autopsie d'un lieu 

Scène de trime: Le domicile de Nelson Valbo 

  Si vous êtes comme mézigue, lorsque je scotche mes châsses dans un thriller ou un polar j'aime bien repérer les différents lieux décrits ou parcourus par les personnages. Cela ambiance l'esprit, on s'insinue dans l'action, les scènes de trimes (pour ceusses qui entrave que dalle à l'argomuche, la trime c'est une rue, la rue). Par exemple: Tu crèches dans quelle trime ? Tu habites dans quelle rue ? Pigé ? 
   Dans Remora s'il est un lieu privilégié c'est bien la crèche du journaliste, sa tanière, nichée dans le passage Alain Fournier ( et oui !... Le Grand Meaulnes c'est lui. Avoir pondu une oeuvre unique et être immortalisé par un passage à l'écart de toute animation ça force à l'humilité. Surtout qu'Alain Fournier a déménagé au boulevard des allongés depuis 1914. Mort pour la France. 
   À l'écart de l'agitation du centre ville, coincé entre l'ancien quartier armurier de Saint-Roch et le quartier résidentiel de Villebœuf. C'est là que Nelson Valbo se réfugie dans un univers qu'il n'a jamais connu, si ce n'est qu'au travers d'un écran ou dans les pages d'un roman noir. L'ancien atelier lui sert de bureau, d'atelier de peintre et de logement. Hormis son nid de labeur et de création, Valbo s'offre de temps en temps une séance au cinéma le Méliès (situé à l'époque, à l'angle de la rue Gambetta et du cours Jovin Bouchard). Ce soir là on projetait Le Carrefour de la mort de Henri Hathaway, sortie en 1947, avec Richard Widmark (lire la chronique: Qu'est-ce qu'on zieute ce soir ? Qui pousse Mamie ?, rubrique Extras). 
   Où situer ce havre de tranquillité ou d'ennui - selon vos capacités à le tromper - ? Ici... Oui là en dessous, le cercle rouge sur le plan, vous y êtes ? Le plan est d'époque (cela ce remarque à certains détails, les gagas pigeront. Les autres, et ben...). Le Méliès était situé à l'endroit marqué d'une croix rouge, la programmation était excellente, qualité ciné club pas de la grosse production survitaminée, ni de la grosse rigolade franchouillarde, que du goûtu, du respectueux des prunelles, du phosphore pour la matière grise. Bref, du cinoche, du vrai ! Pas d'la pignolade pour pré pubère (pour les post aussi d'ailleurs, il n'y a pas... d'âge pour ça).

  
  
  À quoi ressemble le passage ? Et bien... à ça. Si vous êtes dépressif, circulez y'a rien à voir sinon c'est tranquille, anonymat (presque) garantie. 


Imaginez un jour de pluie ou la nuit. Ambiance « polardeuse » ou « thrilleuse » à souhait ! 


 Heu !... Une dernière explication littéraire. Les gagas sont les habitants de Saint-Etienne en patois local. Sur ce, à bientôt... pour une prochaine autopsie. Bonne lecture !