30/04/2017

Zoom sur une anecdote:

Sacha Ledérangé 


« Dès lors, le capitaine Landrow fut intarissable sur ses déboires, je n'en demandais pas tant. L'idée de créer une chronique intitulée « Les déboires du citoyen » signé Sacha Ledérangé, me trotta, un bref instant, dans le crâne. » 
L'esprit caustique de Nelson Valbo et l'écoute de France Inter lui inspire ce trait d'humour teinté de dérision. Le dénommé Sacha Ledérangé est en fait un clin d’œil à Macha Béranger, grande prêtresse des âmes en détresse, urgentiste des épanchements de tristes vies. Macha Béranger pratiqua le noctambulisme au cirque du sommeil. Chapeau l'artiste !  



Sans-sommeil 


« Allô Macha ! », l'émission qu'elle anima sur France Inter du 5 avril 1977 au 30 juin 2006, était faite de dialogue intime avec les auditeurs, de minuit à 2 h du lundi au vendredi. Les auditeurs appelaient au téléphone et Macha Béranger les écoutait et répondait avec sympathie de sa voix suave et rocailleuse embrumée par une très grande consommation de clopes. Près de 100 000 « sans-sommeil » (surnom des membres de la confrérie) confiaient leur mal de vivre, leur solitude, leurs joies ou leurs peines. Pour être davantage au diapason des états d'âmes de ses interlocuteurs, Macha Béranger avait organisée une ambiance cosy dans son studio, avec une lumière tamisée et la présence de son petit chien. Dès l'extinction des micros, de nombreux auditeurs manifestèrent leur mécontentement auprès des patrons de France Inter. Un site de soutien avec pétition fut créé. Malgré l'élan de sympathie, la direction campera sur ses positions et Macha Béranger quittera la station après une très émouvante dernière émission, le 29 juin 2006.
En janvier 2006, elle sera soignée pour un cancer, qu'elle cachait à toute sa famille. Très grosse fumeuse, le crabe l'a devancera et le 26 avril 2009, Macha Béranger s'en alla charmer le sommeil des anges (s'ils existent).  
Retrouvez cette voix légendaire qui caressa nos cages à miel dans cette vidéo des années 80. 


Sur ce... à bientôt pour une nouvelle autopsie. Bonne lecture ! 


28/04/2017

Zoom sur une anecdote: 

Ambiance de stades 

« Mes expériences en la matière s'étaient calés dans ma boite à souvenirs sous la vision de travées entières de Wolverines fans reprenant Come on ! Come on ! de Gary Glitter à Molineaux Park; ou ceux de Burnley vannant les fans d'Huddersfield en leur balançant Good by T Jane de Slade. » 
  L'anecdote cité par Nelson Valbo est tiré de ma propre boîte à souvenirs. J'ai entendu ces chants aux paroles détournées dans les stades de Wolverhampton et de Burnley dans les années 80. Malheureusement il l'y a aucune version filmées de ces parodies. De ce fait vous ne pourrez voir pour vous rendre compte de l'ambiance, que cette vidéo dénichée sur le net. Ce sont les Clarets fans qui chantent. Les Clarets est le surnom de l'équipe de Burnley dû à la couleur rouge Bordeaux du maillot. Comme les supporters sont des poètes au langage châtié, en voici un exemple concernant un certain Owen Coyle. Ses oreilles doivent siffler. 

Dédicace

« Ohh ! Owen Coyle's a bastard, he wears a bastard hat, he was a Bolton wanker, he's now a Blackburn twat. He tried his hand at soccer, but he was a fucking shite, and when he take the bastards down, we'll sing this song all night. » 

« Ohh! Owen Coyle un bâtard, il porte un chapeau de bâtard, il était un branleur de Bolton, il est maintenant un con de Blackburn. Il s'est essayé au football, mais il était une merde foutue et quand il démonte les bâtards, nous chanterons cette chanson toute la nuit. »
  Le dénommé Owen Coyle (né le 14 juillet 1966 à Paisley, Écosse) est un footballeur écossais d'origine irlandaise devenu par la suite entraîneur. La « dédicace » des Clarets fans est récente car il a été entraîneur de Burnley de 2007 à 2010 puis de 2010 à 2012 chez les Bolton Wanderers avant d'entraîner les Blackburn Rovers cette saison (2016-2017). La rancune est tenace chez les Clarets. Il ne vaut mieux pas avoir les pieds carrés sinon les pousseurs de citrouille ont droit à une dédicace personnalisée. Si vous êtes curieuse ou curieux, la vidéo ci-dessous vous plonge dans l'ambiance du stade de Burnley. C'est comme les yaourts aux fruits, il y a des morceaux (des paroles, pardon ! ) de chants dedans. 
Tant que vous y êtes, matez la vidéo de Slade avec Good by T Jane. Ouvrez la boîte à souvenirs ! 

Sur ce... à bientôt pour une prochaine autopsie. Bonne lecture ! 

Zoom sur une anecdote: 

Lightnin' Barabans 


« - Ca te dirais d'assister à une répétition des Lightnin' Barabans ? On se réunie samedi prochain. Au moins ça te changera les idées. 
   - C'est qui les Lightnin' Barabans ? » 
  Comme le capitaine Gina Landrow vous vous demandez peut être qui sont-ils. C'est très simple les Lightnin' Barabans (Amal, Lysiane, Marie-Noelle, Maxime, Stéphane, Nelson Valbo) sont inspiré par The Flying Pickets, groupe de chanteurs britanniques créé en 1982. Leur nom « les Piquets volants » fait référence aux grèves des mineurs anglais des années 1970 auxquelles les six membres originaux du groupe avaient participé. Le nom Lightnin' Barabans (Les Pissenlits lumineux) est un mélange d'anglais et de parlé gaga (barabans); le nom a été adopté par les membres pour son côté humoristique. C'est un groupe d'amateurs chantant a capella dont les reprises de standards du rock sont l'unique répertoire. 

Flying Pickets 

  Si vous en avez entendu parler ou si vous ne connaissez pas voici une séance de rattrapage. Après vous ne direz plus, c'est qui ces mecs ? Une dernière chose, la composition des Flying Pickets a évolué au cours des années, notamment au cours des années 1990 et 2000. Depuis leurs débuts, le nombre de membres a dépassé les dix-huit. Le dernier membre du groupe original a quitté le groupe en 1990. Matez deux vidéos de leurs prestations (c'est autre chose que... que... vous savez, ce groupe français qui chantait (presque) pareil. Mais si, vous les connaissez... les PW. C'est la gamme au dessus. Et puis, les goûts et les couleurs... chacun voit midi à quatorze heure. 
 

Only you - 1984 - 


Englishman in New York - 2000 - 


  Pour ce qui est des Lightnin' Barabans fiez-vous à votre imagination, dont vous ne manquez pas... j'espère. Car s'il n'existe aucune photos, ni vidéos, par contre vous pourrez y mettre (prochainement... soyez patient) un visage en lisant la version bd de REMORA (en projet). 

Sur ce... à bientôt pour une prochaine autopsie. Bonne lecture ! 


Zoom sur une anecdote: 

Priscilla reine du désert 

(ou Priscilla folle du désert)

 « Apparemment, il tentait une très approximative imitation de Priscilla reine du désert. Vu la tronche du gonze, le fond de teint, le rimmel et un pantalon moul'boule en lycra moiré lui aurait donné l'allure d'un travelo déclinant. » 
  Dans la France profonde (formule consacrée pour souligner la différence entre les urbains et les ploucs) il y a toujours des gonzes qui se distingue par leurs esprits raffinés. Et c'est justement un de ces « spécimens » que Nelson Valbo rencontre dans un bistrot du Pont de Montvers, charmante localité nichée au fond d'une vallée cévenole. Priscilla, folle du désert ou reine du désert (les deux titres s'appliquent au film), (The Adventures of Priscilla, Queen of the Desert) sert de référence face à la posture du gars, singeant un autre individu dont on suppose que l'accoutrement et l'attitude détonait dans le décor. Ce film australien de Stephan Elliott réalisé en 1994 met en scène Terence Stamp, Hugo Weaving et Guy Pearce, il relate l'histoire de deux drag queens et d'une transsexuelle traversant l'Australie de Sydney à Alice Springs dans un grand bus qu'ils ont baptisé « Priscilla ». Que ce soit dans l'Outback australien ou milieu des Cévennes il y aura toujours des types au norme HLM (c'est à dire bas de plafond) pour qui la différence dérange. 

Drag queens, transsexuelle et aborigène

  Le film est devenu un film culte dans la communauté gay. La bande-son comporte de nombreux tubes des années 70-80, notamment de nombreuses références au groupe Abba. Le film explore et délire aussi sur de nombreux stéréotypes homos. L'une des forces du film est aussi qu'il ne présente pas les homos comme des pervers ou des types répugnants, ni comme des chouineurs dénués de tout défaut, mais comme des personnes comme les autres.
L'Outback australien est décrit d'une manière idyllique, en montrant la beauté des paysages, et comporte une scène au pouvoir symbolique fort: la troupe danse et joue à un moment avec une tribu aborigène, décrivant le temps d'un instant la rencontre entre deux groupes habituellement exclus par la société.  

Pour vous faire une idée voici l'affiche du film et quelques photos. 



Toutes proportions gardées imaginez des drag queens froufroutantes délirant sur fond de Gay Pride au milieu d'un village corse. Ce serait... explosif !!! 
Sur ce... à bientôt pour une prochaine autopsie. Bonne lecture !

27/04/2017

Zoom sur une anecdote: 

Le Cabinet du Dr Caligari / M le maudit 



« - Avec le laissez aller de ces cochons de Weimar. Le vice pourrissait la société. Heureusement, nous avons remis de l'ordre. » 
Werner ne broncha pas. Le cinéma expressionniste, le Cabinet du Dr Caligari, M le maudit, de Fritz Lang, disparurent dans une rasade de vin blanc.  
Les souvenirs de Behring, ses allusions à une période révolue apparaissent fugitivement dans l'esprit de son garde du corps. Il les avaient vécu par écran interposé lors d'une séance dans un ciné club quelque part dans une ville quelconque. Examinons de plus près ce que les cochons de Weimar produisaient et que Behring exécrait et entront dans le cabinet du Docteur Caligari. 

  Le Cabinet du Docteur Caligari (Das Cabinet des Dr. Caligari) est un film expressionniste et muet allemand de Robert Wiene sorti en 1920. Devenu l'acte de la naissance du genre horrifique, le film introduisit une iconographie, des thèmes, des personnages et des expressions qui seront importants pour des films comme Dracula réalisé par Tod Browning en 1931 et Frankenstein ou La Fiancée de Frankenstein de James Whale (tous les deux en 1931). 



Asile de fous  

  Dans une fête foraine, vers 1830, le docteur Caligari exhibe Cesare, un somnambule. Celui-ci prédit à un étudiant, Alan, qu'il vivra jusqu'à l'aube. Il est en effet assassiné dans son lit. Son ami Francis soupçonne Caligari. La jeune fille que convoitaient Alan et Francis est enlevée par Cesare. Poursuivi, le somnambule s'écroule après avoir abandonné son fardeau. Francis poursuit Caligari qui se réfugie dans un asile de fous, dont Caligari s'avère être le directeur, et Francis un des patients ainsi que la jeune fille convoitée. Deux personnages discutent sur un banc dans un parc. Le plus jeune, Francis, raconte le drame qu'il vient de vivre. 

La fête foraine

  La nuit suivante, le Secrétaire de Mairie est assassiné. Le lendemain, Francis et son ami Alan vont à la fête foraine. Ils assistent au spectacle du Dr Caligari qui présente Cesare le somnambule. Celui-ci prédit à Alan qu'il mourra avant l'aube. De retour de la fête foraine, en marchant dans les rues désertes, Francis et Alan rencontrent Jane, qu'ils aiment chacun secrètement. Alan est assassiné chez lui dans la nuit. Alors que Francis soupçonne le Docteur Caligari et Cesare d'être les auteurs du crime, une femme manque d'être assassinée la nuit suivante et l'homme à l'intention meurtrière, un vagabond, est arrêté pendant qu'il tentait de fuir. Intriguée par les soupçons de Francis, Jane rend visite au Dr Caligari et à Cesare dans leur stand de la fête foraine. Elle s'enfuit précipitamment terrifiée par les deux hommes. Interrogé par la police, le vagabond reconnait son intention de tuer la femme, mais en aucun cas les meurtres du secrétaire de mairie ni de Alan. 


Le somnambule 

  Peu après, Cesare tente d'assassiner Jane alors qu'elle dort chez elle, mais échoue. Puis il essaye de l'enlever, mais pris en chasse par les villageois, l'abandonne. Caligari s'enfuit lui aussi, poursuivi par Francis. Il se réfugie dans un asile psychiatrique, dont il s'avère en fait qu'il est le Directeur ! L'étau se resserre autour de Caligari, des documents trouvés dans son bureau attestent qu'il a manipulé Cesare le somnambule pour le conduire à commettre des meurtres sous son contrôle. Il voulait prendre la place du vrai Caligari, un autre mystique qui lui aussi manipulait un somnambule, cela afin de découvrir le secret de son contrôle. Démasqué, Caligari achève de sombrer dans la folie, il est interné avec une camisole de force dans son propre asile psychiatrique. 

Caligari 

  Francis achève le récit de son aventure. Il quitte le parc pour pénétrer dans la salle principale de l'asile psychiatrique qui est remplie de malades mentaux. Il y croise Cesare, et Jane qui tient des propos incohérents. Derrière lui un homme descend les escaliers. Il s'agit du directeur de l'asile qui a les traits de Caligari. Francis l'aperçoit et pris de démence tente de l'empoigner. Mais il est immédiatement maîtrisé par des infirmiers et conduit dans une cellule d'isolement. Le directeur l'examine et s'exclame : « J'ai enfin compris sa démence, il me prend pour le mystique Caligari ! Je connais maintenant le moyen de le guérir ! ».

Expressionnisme 

  Le film décrit en fait le délire d'un fou, en l'occurrence Francis. Ce film donnait à voir une histoire de fou racontée par un fou, ce qui était déjà révolutionnaire à une époque où le récit à la première personne n'existait pas encore. Les décors faits de fausses perspectives, tout en oblique, d'angles aigus, de proportions tronquées, l'écriture des cartons intertitres, la colorisation de la pellicule différente selon les scènes, et bien sûr le jeu expressionniste des acteurs, sont autant d'éléments qui contribuent à accentuer cette impression d'irréalité. Ce décor correspond donc bien au mouvement de l'expressionnisme allemand, caractérisé par le chaos, les formes violemment torturées. L'éclairage joue également un rôle important en jouant sur l'affrontement de l'ombre et de la lumière et en soulignant ainsi les contrastes. 
« Les films doivent être des gravures rendues vivantes », affirma Hermann Warm, l'un des trois décorateurs du film. 
C'est théâtral, c'est graphique, c'est bizarre, c'est hypnotique ! Entrez mesdames et messieurs, entrez et frissonnez durant 1:17:08 ! 


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  Et maintenant, suivons l'errance tragique de Hans Beckert. Hans Beckert ? Allez-y continuez vous saurez qui est cet individu. 
« Toujours, je dois aller par les rues, et toujours je sens qu'il y a quelqu'un derrière moi. Et c'est moi-même ! Quelquefois c'est pour moi comme si je courais moi-même derrière moi ! Je veux me fuir moi-même mais je n'y arrive pas ! Je ne peux pas m'échapper ! Quand je fais ça, je ne sais plus rien. Ensuite je me retrouve devant une affiche et je lis ce que j'ai fait, alors je me questionne: J'ai fait cela ? » 
Ainsi s'exprime d'une façon désespérée M, révélant son aliénation et son dédoublement intérieur. 

Meurtrier 

  M le maudit (M-Eine Stadt sucht einen Mörder ou Une ville cherche un meurtrier) est un film allemand réalisé par Fritz Lang, sorti en 1931, premier film parlant du réalisateur. Le film montre les habitants d'une grande ville allemande, jetés dans la terreur et l'hystérie par un meurtrier d'enfants, si bien que la police et la pègre se mettent ensemble à sa poursuite. Des avis de recherches sont lancés et une récompense est promise. 
Dans une cité ouvrière, une mère attend impatiemment le retour de sa fille de l'école, mais un inconnu (on ne verra jamais son visage) réussit à l'attirer avec des sucreries. Après avoir découvert le cadavre, la police intensifie ses efforts de recherche, en vain. Les habitants en viennent à se soupçonner les uns les autres. Les rafles et les contrôles incessants dérangent les bandes criminelles dans leurs affaires. Aussi la pègre décide-t-elle, sous la direction de Schränker leur chef, de chercher elle-même le meurtrier. Grâce à un vendeur de ballons aveugle mais pas sourd qui a entendu la chanson que le tueur siffle, la pègre mettra la main sur le criminel. Le leitmotiv que M siffle avant chaque acte s'intitule: Dans l'antre du roi de la montagne qu'Edvard Grieg composa en 1874 pour la pièce de théâtre Peer Gynt, écrite par l'auteur norvégien Henrik Ibsen en 1867. Cette célèbre ritournelle est en fait un extrait de la musique de scène, no 7 de l'op.23 qui donnera plus d'intensité à l'accompagnement musical. 



Berlin 

  C'est grâce à la fameuse marque « M » faite à la craie sur le manteau de Hans Beckert, alias M, interprété par le cultissime Peter Lorre La police empêchera le tribunal de la pègre de lyncher le meurtrier. La sentence finalement prononcée par le tribunal, légal celui-ci, n'est pas dite, Schränker ayant déjà évoqué le scénario le plus probable.
Il s'agit du premier film parlant de Fritz Lang qui avait jusqu'alors dirigé plus d'une douzaine de films muets. Avec le temps, M le maudit est devenu un classique reconnu. Bien que la ville où se déroule l'action ne soit pas nommée, plusieurs indices dans le film permettent de comprendre que l'action se déroule à Berlin. Une publicité pour un journal berlinois, le plan de Berlin dans le bureau du commissaire, le fait que le commissaire parle d'une ville de 4 millions d'habitants (ce qui ne pouvait, à l'époque, correspondre qu'à Berlin), le nom Alex faisant référence à l'Alexanderplatz (qui était également le surnom du siège de la police berlinoise) est également cité plusieurs fois. Pour décrire l'attitude de la pègre, Fritz Lang s'était inspiré des Heimatklänge, Hand in Hand et des Deutsche Kraft, des clubs qui, sous couvert de promotion du sport, vivaient en partie de revenus provenant du chantage ou de la prostitution. À la fin des années 1920, ils comptaient environ 1000 membres. Ces clubs avaient un code d'honneur très strict. 

Les Assassins sont parmi nous  

  Pour l'historien Marc Ferro, ce film est représentatif de la montée du nazisme en Allemagne. Le film devait d'abord s'appeler Mörder unter uns (Les Assassins sont parmi nous). C'est sous ce titre que Lang sollicita la location de l'ancien hangar à zeppelins (les fameux dirigeables) de Staaken, près de Spandau à l'ouest de Berlin, reconverti en studio de cinéma. Il se vit répondre par le directeur qu'il ne l'aurait pas. Lang en comprit la raison, il avait remarqué l'insigne nazi épinglé au revers de la veste du directeur. Celui-ci craignait que le titre concerne le mouvement nazi. L'autorisation fut accordée dès qu'il comprit que l'histoire concernait un assassin d'enfants. Car le scénario se base sur une vague de meurtres d'enfants qui ensanglantèrent l'Allemagne durant les années 1920, dont celle de la ville de Breslau qui se déroulèrent en 1929. Outre Peter Kürten, le Vampire de Düsseldorf, il s'inspire aussi des meurtriers Fritz Haarmann, Karl Grossman et Karl Denke. 

Faire vrai  

  Peter Lorre était né dans l'empire d'Autriche-Hongrie, dans les Carpates, dans l'actuelle Slovaquie et décédera le 23 mars 1964 à Los Angeles. D'origine juive, il quittera l'Allemagne en 1933, l'année de l'avènement d'Hitler (plus précisément le 25 février, soit deux jours avant l'incendie du Reichstag), il se réfugiera d'abord à Paris (à l'hôtel Ansonia, rue de Saïgon, refuge de nombreux artistes allemands et autrichiens), puis à Londres. M le maudit fut son film le plus connu. Pendant des années après la sortie du film, Peter Lorre est restera catalogué comme un méchant pour y avoir été un meurtrier d'enfants (et, c'est sous-entendu, un pédophile). La renommée du film lui ouvrira les portes d'Hollywood, où il jouera surtout de remarquables seconds rôles, aux interprétations inoubliables, notamment dans L'Homme qui en savait trop, Le Faucon maltais, Casablanca, et surtout Arsenic et vieilles dentelles. Il est à noter que c'est Fritz Lang, et non Peter Lorre qui siffle dans le film. Pour que cela fasse plus « vrai » la production avait embauché des membres de la pègre berlinoise pour le tournage. Le commissaire Lohmann apparaîtra dans un autre film de Fritz Lang: Le Testament du docteur Mabuse (1933). En 2008, les Cahiers du cinéma placèrent le film à la 6e place dans la liste des 100 films à posséder pour une cinémathèque digne de ce nom. Vous ne l'avez jamais vu ! Ouvrez vos mirettes, voici le chef d'oeuvre. Ne vous tracassez pas le film est sous titré dans la jactance de Molière. Bonne séance ! 


Sur ce... à bientôt pour une prochaine autopsie. Bonne lecture !











21/04/2017

Zoom sur une anecdote: 

Lemmy Caution 


« Je me trouvais face à face avec presque un copié collé d'Eddy Constantine. Heinz Poll avait la meme tronche ravagée que Lemmy Caution, sauf qu'à défaut des pépés, c'était les mémés qui devaient jouer de la prunelle. » 
L'homme éveilla des souvenirs en Cinémascope à Nelson Valbo. Des films projetés le week end au cinoche du quartier, le Cristal, aux Cinq Chemins durent lui revenir en mémoire. L'époque des esquimaux Liarté et des Nuts. Souvenir, souvenir. Plantons le décor. 

C'est qui ce gonze ? 

  Lemmy Caution est un personnage de romans, puis de films noirs, créé en 1936 par l'écrivain britannique Peter Cheyney. Agent du FBI, Lemmy Caution pèse quatre-vingt-quinze kilos et a une tête qui fait de lui la coqueluche de ces femmes. Grand coureur de jupons, il sait d'ailleurs chanter des sérénades en s'accompagnant à la guitare pour les séduire. Mais c'est avant tout un redoutable détective qui aime bien tabasser les truands de tous poils qui croisent son chemin. Il affectionne aussi les soliloques humoristiques (dont le cynisme et les bons mots sont amplifiés, il est vrai, par les traducteurs dans les éditions françaises).
Le rôle était interprété à l'écran par l'acteur franco-américain Eddie Constantine, en particulier dans le film La Môme vert-de-gris de Borderie en 1953 et dans Alphaville de Jean-Luc Godard en 1965, qui fait basculer l'univers policier de Caution dans celui de la science-fiction. 

M'sieur Eddie  

  Edward Constantinowsky, dit Eddie Constantine (29 octobre 1913 - 25 février 1993), était un chanteur et acteur d'expression francophone de nationalité américaine. Constantine voulait faire carrière dans la chanson. Il a fait ses classes à Vienne puis se produisit à Paris dans les cabarets à la mode à cette l'époque. De retour au pays, n'ayant pas le succès escompté, il exerça la profession de figurant, puis tint un rôle dans Egypt by three, un film sans grand écho. Dépité de n'avoir pas fait carrière dans son pays natal, il revint en Europe dans les années 1950.
Il devint une vedette en France en interprétant le rôle de l'agent secret Lemmy Caution dans La Môme vert-de-gris (1953), adapté d'une série noire de Peter Cheyney, rôle qu'il reprit dans une série de films : Cet homme est dangereux (1953), Ça va barder (1953), Je suis un sentimental (1955), Lemmy pour les dames (1961) et À toi de faire… mignonne (1963). Constantine devint une vedette du box-office français et européen des années 1950 et 60 avec sa gouaille et son accent américain qu'il accentuait volontairement. Il enregistra également plusieurs chansons de charme à succès et fit paraître sous son nom quelques romans, notamment Votre dévoué Blake (1955), aux Presses de la Cité (collection Un Mystère no 226); et Le Propriétaire (1975), J.C. Lattès. 
Vous voulez reluquer sa bobine ? Y'a qu'à demander. 

Clope, galurin, costard, et peut être whisky, il n'emballait pas en low cost l'ami Lemmy 

Un coup d'patte, Anastasie n'anesthésiait pas le talent. C'était l'age d'or des créateurs d'affiches de cinéma. 

Palper de l'oseille en s'amusant

  Les films d'Eddie Constantine sont généralement des séries B d'action au ton souvent léger et humoristique. Se considérant avant tout comme un chanteur, il ne prit pas sa carrière de comédien au sérieux et, les années passant, s'occupa de plus en plus de son écurie de courses. Au milieu des années 1960, il tenta de renouveler son image en jouant dans des films artistiquement plus ambitieux, comme Lucky Jo, de Michel Deville, et surtout Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution, de Jean-Luc Godard, où il reprit son personnage habituel dans un contexte atypique. Mais son succès commercial déclina à cette époque en France. En 1968, il tourna avec Johnny Hallyday dans À tout casser de John Berry. Constantine s'était toujours considéré avant tout comme un chanteur. Il avait embrassé la carrière d'acteur pour s'amuser mais aussi par nécessité pécuniaire. En parlant d'oseille... 

  Iriez-vous lui chourer son morlingue ? Pas sure. On embrouillait pas Lemmy, quand un gonze sapé comme un sac poubelle s'adressait à m'sieur Lemmy fringué en costard-nœud pap', il mettait les formes sinon il se faisait déformer. Pigé les grossiers ! 
Sur ce... à bientôt pour une autre autopsie. Bonne lecture ! 


20/04/2017

Zoom sur une anecdote: 

Suisses déportés 


  « Cinq noms retinrent mon attention par le fait que ces personnes étaient nés en Suisse, une à Bâle, deux à Berne, deux à Zurich... », « Mais j'avouai mon étonnement, c'est la première fois que je découvrais que des Suisses avaient été déportés. » 


Si neutre, si indifférent 

  Des Suisses déportés ???!!! L'étonnement doit être la première réaction, et pourtant... C'est un sujet rarement abordé dont Nelson Valbo prend connaissance. La liste de noms qu'il détient a été inspiré par la lecture d'articles paru dans la presse Suisse Romande. Ils s’appelaient Borcard, Savary, Millasson, Pitteloud ou Lehmann-Bloch. Ils venaient de Vaulruz, Châtel-Saint-Denis, Moudon ou de Payerne. Ils étaient Fribourgeois, Vaudois, Genevois, Tessinois ou Zurichois. Plusieurs centaines de Suisses ont vécu l’enfer des camps de travail, de concentration et d’extermination nazis, dont celui d’Auschwitz où une dizaine de juifs helvètes ont été internés après avoir été raflés à Paris. Il y eu également des protestants déportés à cause de leurs prénoms bibliques. Beaucoup y ont laissé leur peau dans l’indifférence quasi complète à l’époque. 

Ne pas faire de vague
  Une indifférence qui perdure, constate le postier valaisan Laurent F.. 
« Le sujet n’intéresse pas dans notre pays. Je dois même être le seul à le travailler. » 
Si l’historien amateur pense publier le fruit de ses enquêtes à moyen terme, il avoue qu’il n’a pas encore terminé sa traque. 
« C’est un travail long. Il faut contacter les associations de déportés, les familles, les questionner sur le passé de leurs proches. Parfois, elles sont réticentes à dire qu’untel était communiste ou qu’il était passé par un camp. » 
Jusque dans les années 1980, les survivants craignaient de témoigner. Ils voulaient éviter des soucis avec l’armée notamment. 

Pas de privilégié

  Mais qui étaient ces déportés suisses ? En majorité des résistants qui ont participé à l’effort antinazi, essentiellement en France. 
« Fuyant la misère économique en Suisse, de nombreux Suisses avaient cherché un emploi chez nos voisins avant la Première Guerre mondiale et durant l’entre-deux-guerres », remarque Laurent F.
Et lorsque leur pays d’adoption a perdu contre l’Allemagne, ils ont voulu faire quelque chose pour l'aider, poursuit-il. Nombre d’entre eux ont d’ailleurs été marqués du NN dans leur dos. Un NN qui signifiait Nacht und Nebel (nuit et brouillard) et qui ne laissait que très peu de chance de survie aux condamnés dans l’univers concentrationnaire. D’autres ont quitté la Suisse neutre et hors du conflit pour se battre dans les rangs des troupes alliées. Et aussi dans les Waffen SS. 
« J’ai l’exemple de deux Jurassiens qui voulaient se battre dans la Royal Air Force britannique et qui ont été arrêtés par les Allemands en France. » 
D’autres Helvètes ont été arrêtés pour des trafics, notamment de devises. 
Ce fut le cas d’un employé des CFF qui travaillait du côté allemand, près de Bâle. 

Les Suisses, en tant que ressortissants d’un pays neutre, étaient-ils privilégiés dans les camps ? 
« Pas vraiment, ils étaient soumis aux mêmes règles que les autres prisonniers et le - Sch - (Schweizer) sur leur triangle ne les protégeait pas. » 
répond Laurent F.
Enfin à une exception près, raconte le Valaisan. 
« Un jour, un Suisse détenu à Neuengamme s’était endormi au moment 
de l’appel. C’était considéré comme un sabotage. Les nazis voulaient donc le pendre. Mais il s’en est sorti lorsque l’un d’eux a vu le - Sch - sur sa tenue. Il a dit de le laisser partir. » 

  Notre voisin de palier, ce si « petit » pays, si calme, aux paysages de carte postales est en fait un étang aux eaux calmes où pas une ride n'en trouble la surface. Mais qui a t-il au fond de l'étang ? Lorsqu'on y plonge les mains... surprise !! 

Sur ce... à bientôt pour une prochaine autopsie. Bonne lecture !


  

Zoom sur un élément de l'enquête: 

Un pillage organisé 


   « Dans le premier chapitre, sous-titré « Le pillage des banques » j'appris que mille cinquante huit tonnes d'or confié à la Banque de France par diverses nations avaient été « gracieusement » offert aux nazis. » 
Nelson Valbo, bien qu'il sache déjà que l'Etat Français avait été une brigade de larbins pour les nazis, découvrit qu'il méritait le surnom de: La Joie de ses maîtres. Prêt à gémir lorsque ceux-ci le grondait. Mais il n'est pas le seul à avoir lu des articles sur le sujet; Max Behring et Beno Fussli aussi en ont l'occasion. Jetons y un œil. 

Colère d'un traîne savate

  En janvier 1939, Adolf Hitler prépare activement la guerre. Le peintre raté est furieux, car il vient de prendre connaissance d'une note confidentielle, datée du 7 janvier, préparée à son intention par le président du directoire de la Reichsbank, Hjalmar Schacht. Le ton du message est en effet alarmant. Le IIIe Reich, explique Schacht, est au bord de la banqueroute: 
« Il n'y a plus de réserves ni de devises à la Reichsbank. Les réserves constituées par l'annexion de l'Autriche et par l'appel aux valeurs étrangères et aux pièces d'or autochtones sont épuisées. Les finances de l'Etat sont au bord de l'effondrement », écrit-il. 
L'Allemagne qui, quelques mois plus tard, va lancer ses troupes à travers l'Europe a les caisses vides !!! Un traîne savate autrichien va obliger une armée de gonzes à se répandre par monts et par vaux sans un fifrelin dans l'morlingue !!! Un rêve de taulier, obliger des types à bosser gratos !!! 

Main basse sur la braise 

  Dès le début de la guerre, c'est donc de manière systématique que les nazis organisent le pillage. Les victoires éclairs de la Wehrmacht en juin 1940 marquent le début d'une chasse au trésor sans précédent. Dans tous les territoires occupés, les services de la Reichsbank, les SS, les Affaires étrangères et les services économiques de divers autres ministères participent au pillage des lingots, des pièces, des bijoux et des devises. Le bras opérationnel de ce gangstérisme d'Etat, ce sont les commandos mobiles, les Devisenschutzkommandos, « les commandos de protection des devises ». Bel euphémisme. Leur pouvoir est illimité: ils fouillent les caisses d'épargne, les banques privées et leurs filiales, collectent l'or des bijoutiers, des joailliers, écument le marché noir, saisissent des biens privés et forcent les coffres de certains clients des banques. Les résultats sont à la hauteur des espérances des nazis. Pour la seule Belgique, entre novembre et décembre 1940, la curée des « commandos de protection des devises » rapporte l'équivalent de 4 320 millions de francs actuels et de 250 millions de devises. Revers de cette efficacité: rapidement, le territoire belge n'est plus une source attractive. Le salut pour les nazis vient alors des Pays-Bas. Ils mettent la main sur 100 tonnes d'or de la banque nationale complétés par le butin des commandos de devises, en tout l'équivalent de 5400 millions de francs réactualisés. L'essentiel de ce magot de guerre paie les livraisons d'acier, de tungstène, de pétrole, du wolfram en provenance des pays neutres. Mais le gisement néerlandais s'épuise aussi. L'or de la Banque nationale belge (BNB), mis à l'abri en Afrique, devient alors un enjeu central pour les nazis. 

La Banque d'errance 

  Le 26 juin 1940, quatre semaines après la capitulation de l'armée belge, le roi Léopold III, prisonnier de la Wehrmacht, demande au Führer de bien vouloir rapatrier l'or belge, qui serait caché à proximité de Bordeaux. Les Allemands interrogent les autorités de Vichy. Avec diligence, la réponse française énumère les réserves d'or déposées à la Banque de France: 4 944 caisses qui contiennent effectivement 221, 730 tonnes d'or de la Banque nationale belge, 1 208 caisses, soit 57 tonnes d'or polonais, 10 tonnes d'or luxembourgeois, letton, lituanien, norvégien et tchèque.     Tout cet or avait été confié à la Banque centrale française pour le mettre en lieu sûr. Mais Vichy précise que cet or n'est plus à Bordeaux, il est sur le continent africain. En effet, le 18 juin 1940, le même jour où de Gaulle avait lancé son appel à la France libre depuis Londres, vingt-quatre heures après que le maréchal Pétain eut demandé un armistice au IIIe Reich, une escadre d'or, comme au temps des galions espagnols, avait levé l'ancre. Elle était chargée de 288,730 tonnes d'or. Les Etats-Unis étaient la destination prévue, mais les bateaux britanniques ne viendront pas au rendez-vous. Cap est donc mis sur le Sénégal, loin de Hitler et des champs de batailles européens. En France, les autorités pétainistes veulent croire qu'elles tireront profit d'une politique de sacrifice volontaire et de collaboration avec le IIIe Reich. De leur propre initiative, elles proposent à Berlin de servir d'intermédiaire pour récupérer l'or. Après tout, le Sénégal est une colonie française. La réponse allemande claque comme une gifle. Le 12 septembre 1940, Johannes Hemmen, le chef de la délégation allemande chargé de récupérer l'or belge, lance au gouverneur de la Banque de France, Bréat de Boisanger: 
« En Belgique, c'est nous qui sommes les maîtres. Nous avons donc tous les droits sur la Banque de Belgique, et c'est à titre de client que je vous demande de mettre notre or en sécurité. Je vous prie de le faire transporter en Belgique, ou tout au moins à Paris. » 
Cette exigence est contraire au droit international. Mais les nazis s'en moque comme de leur première couche culotte. Haro sur les lingots ! 

Faux et usage d'info 

  Les Allemands ont déjà fait main basse sur l'or autrichien après l'Anschluss, puis sur celui de la ville libre de Dantzig. Pour l'or belge, les nazis mettent cependant les formes: ils convoquent une conférence le 10 octobre 1940 à Wiesbaden. Le gouverneur de la Banque nationale belge, Janssen est écarté; officiellement, « il est subitement tombé malade ». C'est von Becker, un commissaire allemand, qui le remplace. Les nazis se font le porteur d'un (faux) message de Janssen, qui demande le rapatriement de l'or belge. Le droit mis au pas, reste à récupérer l'or pour Hitler. Vichy vient une seconde fois au secours des Allemands. C'est novembre 1940. Pétain décide d'accomplir « un geste symbolique de réconciliation » avec le IIIe Reich. Il envoie deux avions chercher quelques tonnes d'or au Sénégal pour les livrer aux nazis. Puis, Vichy ordonne, sans en avertir les gouverneurs des banques centrales, de livrer la totalité de l'or belge aux Allemands. 

Les voyages forment la richesse 

  L'opération est en soi risquée: seule la voie de terre qui passe par la savane sénégalaise vers le désert saharien offre une sécurité suffisante face aux sous-marins et aux avions alliés. Qu'importe ! Les caisses d'or partent pour une invraisemblable odyssée. C'est d'abord Thiès, puis la ville de Kayès à l'intérieur des terres, Bamako sur la rive gauche du Niger, Kukikuru, tête de ligne du chemin de fer et ancienne capitale du Soudan français. Là, les caisses sont transbordées dans des camions légers ou sur des bateaux sur le Niger, mais les inondations bloquent le convoi. Après des mois d'attente, les caisses parviennent à l'oasis de Tombouctou, puis atteignent Gao, la ville sainte des musulmans d'Afrique occidentale. Nouveau transbordement et cette fois, c'est à dos de chameaux ou sur des camions, que les caisses chargées d'or parcourent les 1 700 km de piste jusqu'à Colomb-Béchar, dans le sud algérien, puis par train (1 600 km) parviennent jusqu'à Alger. Là, des avions-cargo français, puis des appareils allemands les conduisent à Berlin. En tout, un voyage de dix-huit mois. Le dernier transport atteint la capitale allemande le 26 mai 1942. Impuissants, les Belges protestent. Falsifiés, les lingots sont acheminés en Suisse afin de servir l'effort de guerre nazi. 

Si Hergé en avait eu connaissance nul doute que Tintin, le reporter du vingtième siècle, aurait mené l'enquête et pourquoi pas Indiana Jones. Cette péripétie quoique étonnante lève le voile sur un pan (méconnu par bon nombre d'individus) de la Seconde Guerre Mondiale. 
Sur ce... à bientôt pour une prochaine autopsie. Bonne lecture !


Zoom sur un élément de l'enquête: 

Aphasie


« Sous ses sourcils broussailleux, le vieillard la fixait, ses lèvres sèches s'animèrent. 
  - Drieten zur mai hasen, drieten zur mai hasen, yast ! 
Il répéta son sabir plusieurs fois, les mains crispées sur les draps... » 
Si l'agent hospitalier comprend que dalle au sabir de l'occupant de la chambre 37, c'est que celui ci est atteint d'aphasie.  

Qu'est-ce qui a provoqué cette lésion ? 

  Heinz Poll a été percuté par un véhicule, ce qui a endommagé ses capacités cérébrales, tout comme le furent celles de Maurice Ravel qui fut, le 9 octobre 1932, victime d'un accident de voiture qui parut assez banal sur le coup. L'année suivante des symptômes apparurent: agraphie, alexie, apraxie puis une aphasie « complexe et progressive » de type aphasie de Wernicke. Il perdit rapidement la capacité de lire et de signer de son nom. Cependant, certaines compétences musicales furent préservées. 

Aphasie de Wernike 

  Un ensemble de lésions simultanées de plusieurs aires (comme l'aire 39 ou 402) conduit à une aphasie de Wernicke, dont obligatoirement l'aire 22. Une personne ayant une aphasie réceptive pourra parler avec une grammaire, une syntaxe, un débit et une intonation normaux, mais elle aura un trouble autant de l'interprétation que de la symbolique du langage, qu'il soit écrit ou verbal. Tout comme l'aire de Broca, les limites de l'aire de Wernicke peuvent différer d'un individu à un autre. De plus, il ne faut tout de même pas confondre l'aphasie de Wernicke avec le syndrome de Wernicke-Korsakoff qui est l'addition de l'encéphalopathie de Wernicke avec le syndrome amnésique de Korsakoff.
L'aphasie réceptive (aphasie fluente ou sensorielle), également appelée aphasie de Wernicke en neuropsychologie clinique est due à une lésion ou une perturbation du développement d'une région postérieure du cerveau, plus précisément le gyrus temporal supérieur postérieur dans l'hémisphère dominant connu sous le nom de l'aire de Wernicke (correspondant à l'aire de Brodmann). 

Historique

  Carl Wernicke (1848-1905) s'inscrit dans le dogme associationniste. Ses recherches portaient sur les relations d'aires impliquées dans le langage. Pour lui, une aphasie n'est pas due à une lésion d'une seule zone du cerveau. Ces recherches confortaient d'autres études telles que celles de Pierre Marie (1853-1940). C'est en 1874 à la suite d'une rencontre avec un patient que Wernicke proposa la distinction entre deux types d'aphasies: aphasie sensorielle (ou aphasie de Wernicke) et aphasie motrice (ou aphasie de Broca). Wernicke expose sa conception nouvelle de l'aphasie dans un ouvrage « Der aphasiche symptom-complex » publié la même année. Il débutera des recherches sur une troisième aphasie en lien avec ces deux dernières: l'aphasie de conduction, résultant d'une destruction des fibres qui relient les deux zones. Elles seront reprises par Kurt Goldstein (1878-1965).
  Une aphasie de Wernicke survient après une lésion organique cérébrale. Tout comme l'aphasie de Broca, un accident vasculaire cérébral peut entraîner une destruction neuronale, partielle ou totale, pouvant mener à une aphasie réceptive. L'étiologie est diverse. Elle se rapproche de celle de l'aphasie expressive, c'est-à-dire un accident vasculaire cérébral (répété), maladie neurodégénérative, processus focaux dégénératifs (atrophies lobaires) ou une encéphalite herpétique. L'aphasie est un des critères diagnostiques pour la maladie d'Alzheimer, dans laquelle la composante réceptive est davantage atteinte.
D'autres causes sont une tumeur, un hématome lobaire. La lésion de l'aire de Wernicke chez certains droitiers ne provoque pas d'aphasie réceptive. 

Quelles sont les symptômes ?

Expression orale
 Dans l'aphasie réceptive, les patients parlent avec abondance mais ne comprennent pas les autres ni non plus leur propres paroles, de sorte que le langage parlé se détériore au fur et à mesure que le discours s'allonge. Contrairement à l'aphasie de Broca, la parole est fluide et compréhensible au début du discours, mais les sujets perdent le fil de ce qu'ils racontent. Les troubles peuvent aller d'une anomalie dans l'analyse de sa propre prosodie (et celle des autres) jusqu'à un trouble dans la différenciation de phonèmes (ex: « ba » et « pa »). Généralement, ils adoptent un discours riche mais il y a un néologisme apparent. Pour eux, ces nouveaux mots n'en sont pas et sont sensés. De plus, ces personnes utilisent aussi des mots pour d'autres, voire des mots sensés dans le contexte, mais dans des phrases non-adaptées. Voici un exemple de discours d'un patient victime d'un AVC au niveau du lobe temporal postérieur gauche, atteint donc d'une aphasie réceptive: 
« Ça alors, je suis en sueur, je suis terriblement nerveux, vous savez, de temps en temps, je me laisse rattraper, je ne peux pas être rattrapé, je ne dirai rien du gourcias, voilà un mois il faut que je courre à droite à gauche, que je surveille, le narbot et tous ces trucs. » 

Expression écrite 
 En plus d'une difficulté à comprendre le langage parlé, ils ont des difficultés à comprendre le langage écrit, qu'on appelle alexie. On retrouve la logorrhée et le néologisme. Une personne atteinte de cette aphasie peut très bien lire correctement un énoncé sans pour autant le comprendre, sauf pour les consignes à références corporelles. L'écriture dictée ou spontanée sont moins bien réussies que la copie. L'un des deux types d'expression (orale ou écrite) peut primer sur l'autre ou être de même intensité. 

Y a t-il d'autres troubles ? 

  En général, peu de déficits neurologiques sont présents ou faiblement marqués, comme des troubles de la sensibilité ou l'hémiparésie. Le trouble le plus fréquemment rencontré est l'hémianopsie latérale droite. Les personnes étant sujets à ce type d'aphasie n'ont pas conscience de leur trouble: on parle alors d'anosognosie. 

Comment évalue t-on cette maladie et quelle est la prise en charge ?  

  Un examen neurologique préalable consiste à détecter tout déficit moteur ou sensoriel. Ensuite, un examen neuropsychologique approfondi oriente le diagnostic. Dès le premier contact avec le patient, il est possible de repérer les principaux troubles. Des épreuves d'exécution d'ordre, de complexité croissante sont utilisées. Un test régulièrement employé est celui des trois papiers de Pierre Marie: cette épreuve comporte trois papiers de taille différente, il est demandé au patient de jeter le petit papier par terre, de garder le papier moyen et de donner le grand papier à l'examinateur. Il existe de nombreux tests en cas de suspicion d'aphasie, comme celui de désignation de figures géométriques (Token Test). Un autre test fréquemment utilisé en pratique courante est la fluence verbale: le sujet doit énoncer un maximum de mots commençant par telle lettre, ou bien appartenant à une certaine catégorie (fruits, animaux...). La fluence verbale, qui est chutée dans le cas d'une aphasie de Broca, augmente jusqu'à devenir loghorréique en cas d'aphasie de Wernicke. Le test le plus utilisé pour le dépistage précis d'une aphasie reste l'Examen Diagnostique d’Aphasie de Boston.
  Lors des dernières recherches des auteurs ont repris récemment des centaines d'études d'imagerie cérébrale fonctionnelle traitant de la perception et la compréhension du langage. Leur conclusion est que la zone du lobe temporal gauche servant à comprendre les mots ne se trouve pas dans la région de Wernicke, mais cinq centimètres en avant. 

  Votre curiosité a t-elle été satisfaite ? Tachez quand même de maintenir votre caboche et ce qu'il y a dedans en bonne état de marche. Ne yoyottez pas d'la touffe, la vie est plus agréable quand il n'y a pas de trou d'air dans la calbombe. 
Sur ce... à bientôt pour une prochaine autopsie. Bonne lecture !





10/04/2017

Zoom sur une anecdote: 

Guy le sournois, délation 11/11 

« ... Allô ! Guy le sournois, délation 11/11, je vous écoute, raillais-je ». 
  Cette pointe ironique de Nelson Valbo n'est pas une élucubration de plus mais à pour origine une émission culte de l'ORTF, les Dossiers de l'écran qui traitait d'un sujet historique ou sociétal une fois par semaine. Elle fut diffusée sur la deuxième chaîne et ensuite sur Antenne 2 et ce de 1960 à 1981. C'était le fameux Guy Darbois qui choisissait le film précédent le débat. 
    « Allô, SVP ! Guy Darbois, vous m’entendez ? » Cette question, combien de milliers de téléspectateurs l’ont posée ? Chaque fois, ils ont entendu une voix, celle de Guy Darbois (Guy le sournois c'est lui. Hola ! Ne montez pas sur vos grands canassons, c'est d'l'humour, tiré par les crins mais de l'humour quand même) qui, dans les coulisses de l'émission des Dossiers de l’écran, faisait patienter les correspondants. Une sorte d’éminence grise qui, de 1967 à 1980, classait les questions pour qu’elles correspondent au mieux aux courants des opinions exprimées. Mille appels par émission.  
  C'était en quelque sorte l'ancêtre de Tout sur tout ? Le béotien pourrait penser à un top pour je ne sais quelle opération plus ou moins clandestine ou secrète, un truc du genre « Tora Tora Tora » ou « Les sanglots longs des violons de l’automne, blessent mon cœur d’une langueur monotone » (accompagné du célèbre Pom-pom-pom-Pom !, Ici Londres, ça vous parle), mais en fait que dalle, peau d'balle, rien de tout ça. SVP 11 11 était un numéro de téléphone qui permettait au téléspectateur de donner son avis ! L’ancêtre du 2.0 en quelque sorte. C'était aux temps de l'ORTF et des Dossiers de l'écran. Pour en savoir plus, facile: il suffisait d'appeler. Résultat, dans l'émission d'Armand Jammot, le téléspectateur donnait son avis auprès de Guy Darbois, grand maître du standard. Outre cette présence télévisée, SVP était un service de renseignements téléphoniques pour le grand public, créé dès 1935 par Maurice de Turckheim. 

Guy et ses standardistes

   SVP 11 11 nous faisait savoir ce que pensaient les gens. Et ils ne faisaient pas toujours dans la dentelle. Ça en balançait des vertes et des pas murs, ça se fâchait et parfois ça dénonçait à qui mieux mieux ! Chez certains c'est une manie (habitude contracté en temps de guerre, peut être), un TOC. Elles devaient en entendre des vertes et des pas mûres les standardistes que l’on apercevait s’agiter derrière l'inamovible Guy (c’était un peu Guy et ses Standardistes, une sorte de combo téléphonique, un peu sexiste mais on est était à une époque surannée ou les femmes votaient depuis peu) en charge de nous donner la substantifique moelle de la pensée populaire. Les standardistes devaient avoir les cages à miel bien embourbées en fin de journée !  

SVP 11 11 kesako ?

   Qu'est-ce que c'était que ça que c'était ? Vous ouvrez grand vos quinquets, vous faîtes des yeux de lémuriens. Vous bilez pas c'est très simple, S c’était 7, V c’était 8 et P c’était 7; et oui jeunes boutonneuses zé boutonneux Smartphonisé, les bigophones à l'époque avaient des cadrans à chiffres et à lettres, trois par unité exactement sauf le 1 qui n’en avait aucun et le 0 qui indiquait O et Q. SVP 11 11 était donc le 787 11 11. Depuis les trois lettres mythiques ont disparu, le numéro d'appel devenant: 01 47 87 11 11, réservé aux abonnés. Pigé ? Aujourd'hui, le groupe SVP s'est spécialisé dans l'information professionnelle (fiscalité, droit des sociétés, ressources humaines, etc.) à destination des entreprises et collectivités. Aux antipodes des questions existentielles du pékin de base. Et les standardistes se nomment téléopératrices, cela ferait plus classe, parait-il. 
Sur ce, à bientôt... pour une prochaine autopsie. Bonne lecture ! 

04/04/2017

Zoom sur un élément de l'enquête: 

Kokoï. 

  - Ko koi ? 
  - Kokoï 
  - Qu'est-ce que ci que ça que c'est ce truc ? 
C'est la championne toutes catégories des toxiques: son venin est le plus violent au monde, pire qu'un cobra ou qu'un fugu. Ce record est détenu par un amphibien, une grenouille: le kokoï de Colombie (Phyllobates terribilis) également appelé phyllobate terrible. Une grenouille ! Y'a de quoi se taper sur les cuisses. Kermit la venimeuse ! Rigolez si vous voulez, lisez la suite; après on verra si la bestiole est... marrante. 

Portrait de la bestiole

  Le phyllobates terribilis vit dans la forêt amazonienne le long de la côte Pacifique de la Colombie. Cet amphibien terrestre évolue donc dans un habitat très humide.
La couleur du kokoï est variable: vert, orange et parfois blanc; cependant, la couleur la plus commune est le jaune. La couleur de sa robe est unie contrairement à la plupart des autres dendrobates. Elle ressemble à une figurine en matière plastique, n'est-ce pas ? Pourtant... 

La femelle est généralement plus grande que le mâle. La longueur moyenne du corps varie de 41 mm à 47 mm, mais certaines femelles peuvent mesurer 50 à 55 mm. 41 mm à 47 mm, mais certaines femelles peuvent mesurer 50 à 55 mm. La plupart des dendrobates se camouflent dans la végétation et se dissimulent rapidement au moindre danger. Ce n'est pas le cas de Phyllobates terribilis qui semble ne pas craindre les prédateurs. Sa toxicité le protège des attaques. 

Régime alimentaire

  Le Kokoï est principalement insectivore. Son menu se compose de fourmis, de termites et de coléoptères. Comme toutes les grenouilles il utilise sa longue langue collante pour capturer ses proies, façon langue de belle mère. Mais celle ci ne fait pas pouet ! Il peut également s'attaquer à des arthropodes ou des vers. Plutôt sociable, il vit en petit groupe. En captivité, il fait preuve de grandes capacités d'apprentissage et ne montre aucune agressivité envers ses congénères. Contrairement à certains bipèdes communs et poilus. 

Reproduction

  Mâles et femelles ont de multiples partenaires. Le mâle attire une partenaire en émettant des appels aigus. Il couine, en somme. On suppose que la reproduction a lieu tout au long de l'année. Dans un terrarium, le kokoï peut vivre jusqu'à 5 ans. 

Toxicité 

  Son corps est enduit d’une substance appelée batrachotoxine qui ne lui sert strictement à rien, ni à attaquer, ni à se défendre. Ça sert à quoi alors ? Et bien, il faut savoir qu'une injection de 0,2 mg de batrachotoxine suffise pour envoyer un homme dans un monde dit meilleur.
Si vous êtes stupide (je reste poli) au point de toucher un kokoi, vous ressentirez une brûlure qui durera plusieurs heures. D'après des recherches, ce dendrobate stockerait une partie de son poison en se nourissant d'un coléoptère de la famille des Melyridae.
Certaines tribus colombiennes et notamment les Indiens Choco utilisent son venin pour enduire leurs fléchettes. Ces dernières peuvent rester mortellement toxiques pendant 2 ans. Ils chassent ainsi de petits animaux avec des sarbacanes.
Le kokoï est chassé, capturé et vendu comme animal de compagnie (NAC). Leur toxicité diminue (heureusement) en captivité au bout d'un certain laps de temps. Cette grenouille fait également l'objet d'études par les laboratoires pharmaceutiques. Son venin pourrait devenir un meilleur anesthésique que la morphine. Avez-vous toujours envie de cuisses de grenouille ?  

Sur ce, à bientôt... pour une prochaine autopsie. Bonne lecture !   

03/04/2017

Tranche de vie au hasard des pages. 

Fredo 

  On le rencontre au fil des pages, se protégeant sous des couches de vêtements usagés comme une sorte d'oignon ambulant et odorant. Fredo pousse un chariot déglingué contenant ses seules richesses glanées ça et là, au hasard de son errance. Il ne vous parlera jamais, non pas qu'il soit taciturne ou muet mais il ne peut plus; alors peut être acceptera t-il de s'adresser à ces semblables grâce à une ardoise magique. Il ne rechigne pas à avoir de la compagnie à condition que l'on ne s'apitoie pas sur lui. Sa fierté est son unique rempart contre la stupidité humaine. Mais qui est-il en fait ? Nelson Valbo sera le seul à vraiment s'intéresser à lui sans arrière pensée. Mais, remontons l'échelle du temps et changeons de région. En réalité, Fredo ne s'appelle pas Fredo et il n'est pas une « figure » des Pentes, à la Croix-Rousse. Non, cet homme a eu une autre vie et hélas, une autre destinée. 

« Aller casser du boucaque » 

  La mort de James D., un soir de beuverie au Havre, est une « correction » infligée à un « boucaque », mélange de bougnoule et de macaque, qui n'avait pas à passer par là. La triste fin de cet homme originaire de l'île Maurice de 23 ans sur la plage « du bout du monde » à Sainte-Adresse, a été élucidée huit années plus tard, après les révélations à la police de Michel H., un « jeune » de la bande à l'époque.
Ce 18 juin 1990, des skinheads du Havre et de Paris se retrouvent à trente devant l'église du quartier de Sanvic, achètent des packs de bière et des bouteilles de rhum dans un supermarché, puis filent au bunker sur la falaise en face du fort de Sainte-Adresse. Circuit habituel pour une bande de traîne lattes désœuvrés. Le soir, les voilà bien imbibés, qui descendent sur la plage dans un bar s'envoyer encore des bières. Selon Michel, le chef du groupe, Joël G., donne le signal du départ: 
« On bouge, pour aller casser du boucaque. » 
Il interdit aux deux mineurs, âgés de 15 ans, de sortir. Michel et le nommé « Cafard » restent. Les autres, K., C., Poisson, Mammouth et trois filles suivent G. .

« Faire trempette ». 

  Du bar, Michel observe le manège des dix qui se dirigent vers la digue. « Trois garçons reviennent sur le parking pour prendre un sac dans le coffre de la voiture de G. », puis rejoignent le groupe. Au bout d'une demi-heure, tout le monde réintègre la Bodega, hilare. G. lance: 
« On s'est bien marrés, il a bien picolé, celui-là, avant de faire trempette. » 
L'agression taraude l'esprit du plus jeune jusqu'au 10 avril 1997. Ce jour-là, Michel, qui a témoigné dans une autre affaire de crime raciste, dépose plainte au commissariat pour menaces de mort à cause de coups de fil. En gage de sa bonne foi, le « repenti » oriente les policiers sur « l'histoire d'un Pakistanais ». Dans les archives, les enquêteurs trouvent trace de la mort classée sans suite d'un étranger, un certain James D., né le 11 juillet 1966 à l'île Maurice, décédé le 3 juillet 1990 au Havre, de façon atroce. Un médecin de Sainte-Adresse avait trouvé devant sa porte un jeune homme qui « se tordait de douleur, de la bave sanguinolente aux lèvres ». À l'hôpital Monod, James D. avait parlé d'une agression violente, d'une boisson bizarre avalée de force. Avant de plonger dans le coma. Et de succomber, seize jours plus tard, de ses brûlures à l'estomac. Selon l'autopsie, la mort fut causée par l'ingestion d'un produit caustique indéterminé.
Aiguillés par Michel sur la piste des skinheads, souvent désignés par des noms de guerre et éparpillés aux quatre coins de France, ­ Paris, Bordeaux, Perpignan, Le Havre ­, les policiers ont mis une année à démasquer les meurtriers. Le 12 juin 1998, six suspects ont été mis en examen par le juge Christian B., du Havre, pour l'homicide de James D. .

Empoisonnement. 

Régis K., 33 ans, maître-chien, et Joël G., 30 ans, crient à la « dénonciation calomnieuse », sont accusés d'empoisonnement. Pascal L., 31 ans, qui nia et déclara être « absent ce soir-là », Cédric H., 29 ans, Carmen V., 31 ans, qui « n'a rien à voir avec ça », et Elodie L., 24 ans, sont soupçonnés de complicité. Les quatre garçons ont été écroués, les deux filles placées sous contrôle judiciaire. Me Dominique T. se constitua partie civile pour la famille de James D., ainsi qu'une association antiraciste.
Régis K. et Joël G. sont des lieutenants d'un inconditionnel de la batte de base-ball qui a monté un groupe nationaliste à Paris en 1987 et a soutenu le Paris-Saint-Germain. Carmen V. fabrique alors un fanzine avec Elodie et Greg, le chanteur d'un groupe de heavy métal. Son compagnon G. et K., « partisans du pouvoir blanc », traversent Le Havre « déguisés en grands chefs du Ku Klux Klan », se réunissent pour monter un groupe KKK, « organisent les trajets sur Paris pour aller à des manifs nationalistes, contre rémunération.

Une bière au drôle de goût. 

  Embrigadé par K. dans Blood and Honour, C. a rapporté aux enquêteurs la scène du crime. « Assis sur la digue, on a vu passer un bien bronzé qui se promenait vers la mer, pas noir ni maghrébin, mais comme un Pakistanais. On l'a insulté, traité de sale boucaque: 
« Retourne dans ton pays. » 
« Il n'a rien dit. On lui a barré la route, on l'a entouré et bousculé. On le provoquait pour obtenir une réaction de sa part. Il voulait partir mais ne se défendait pas. On attendait qu'il se rebiffe pour le frapper. Les chefs ont décidé qu'on allait le forcer à boire. Il a vidé une bière sans rien dire. C'est la première fois qu'on faisait ça. On n'avait pas pour habitude d'user de la bière pour un boucaque. Comme il avait accepté une bière normale, G. et K. ont eu l'idée de lui en préparer une autre, ils se sont absentés quelques instants. Mort de trouille, le gars avait du mal à boire la deuxième bière, il faisait la grimace, il se plaignait qu'elle avait un drôle de goût. » 
G. et K. répondaient: 
« Mais non, c'est rien, elle doit être éventée. Soit tu la bois, soit on te tabasse. Finis ta bière, et on te laissera partir. Le mec l'a toute bue et a cherché à s'en aller. Le ton est monté, et on l'a balancé à l'eau par-dessus la rambarde. Il est remonté sur ses jambes vers la plage, trempé. » 

Pas de personnes étrangères. 

  Aujourd'hui, C. refuse de confirmer au juge ce long récit qu'il aurait livré « sous la pression de la police ». Elodie L., elle, maintient ses aveux. Cheveux rasés sur le côté, petite queue-de-cheval, tatouée, elle est restée en retrait avec C. et C.: 
« Notre rôle à tous les trois a été d'empêcher le gars de se barrer. » 
Pascal L. fut « l'un des gros bras qui maintenaient le gars », et Joël G., « l'un des instigateurs de la correction » avec Régis K., qui « a tendu la nouvelle canette de bière décapsulée au black »: 
« Ils n'admettaient pas de personnes étrangères au groupe sur leur territoire, même simplement de passage. L'intrus était prié de s'en aller. Si, en plus, il était bronzé, il avait droit à une correction. » 
  Sa copine Carmen V. prétend qu'elle est hors du coup. Mais, ex-femme de Joël G., chef de la bande du Havre avec Régis K., elle a raconté toutes leurs sales histoires. 

Chat égorgé. 

K. et G. raffolent d'un « petit cocktail à base d'eau chaude, d'absinthe et d'alcool à 90° ». Carmen, qui aime le whisky, a goûté leur mixture et a souffert de brûlures d'estomac. Elle dépeint les autres en tortionnaires. G. l'a frappera souvent les soirs de beuverie, « cocards, bleus et autres », et lui cassera la jambe, d'un coup de pied au tibia. K., lui, « aimait faire souffrir les animaux ». Un jour, il a mis « son rat dans une bouteille d'eau-de-vie pour le tuer ». Une autre fois, il a égorgé un chat en forêt de Montgeon pour manger son cœur, une sorte de messe noire. James D., le pauvre « boucaque » échoué sur la plage « du bout du monde », a avalé leur breuvage mortel, un mélange de bière et de soude, ou d'acide, ou peut-être d'eau de Javel.
Il est à signaler que S., Régis K. et Joël G. ont été condamnés ensemble pour l'agression de Karim D. à Paris en 1990 sous l’œil des caméras de la 5. 
Seul les noms des protagonistes ont été supprimés. Le personnage de Fredo est largement inspiré de celle de la victime ainsi que de son agression. 

Sur ce... à bientôt, pour une prochaine autopsie ! Bonne lecture. 

Zoom sur une anecdote: 

Le dépeceur de Mons. 

  « Elle noya sa déception dans le liquide mordoré. Je claquais des doigts. 
          - Et si c'était le dépeceur de Mons qui ce soit déplacé ou un émule ? 
          - Je ne crois pas à la thèse du tueur belge, ton imagination est trop grande. » 

À qui fait allusion Nelson Valbo ? Quel est ce tueur belge ? 

  L'Affaire du Dépeceur de Mons fut le surnom utilisé par la presse belge pour désigner un dossier judiciaire concernant l’assassinat de plusieurs femmes dans la région de Mons en Belgique, entre 1993 et 2001. Il y aura une vingtaine d'années qu'un policier découvrait les premiers sacs poubelles contenant des restes humains à Cuesmes, dans la banlieue de Mons. C'était le 22 mars 1997. Un policier à cheval observait un chat qui jouait avec quelque chose. Il remarqua que l'animal tenait quelque chose dans sa gueule. En s'approchant, le policier constata que c'était une main. Une main humaine ! La main provenait d'un sac poubelle. On dénombra huit sacs, le premier jour puis un neuvième le lendemain. Un dixième le jour suivant. 
D'autres restes humains furent découverts aux environs de Mons, ainsi que dans le nord de la France, entre mars 1997 et avril 1998, souvent dans des sacs poubelles. La mutilation systématique des corps a rendu difficile leur identification. Les sacs étaient localisés dans des lieux aux noms évocateurs: « avenue des Bassins », dans la rivière « Haine », « chemin de l'Inquiétude », « rue du Dépôt », « chemin de Bethléem » à proximité de la rivière « Trouille », etc. Ces noms pourraient faire sourire mais hélas cela n'arrache même pas un rictus. L'affaire du dépeceur, c'est un dossier glauque, macabre. Des corps de femmes découpés avec une précision chirurgicale et que l'on retrouvera, morceau après morceau dans les environs de Mons à Cuesmes, Havré et Hyon.
Cinq victimes
  On attribua cinq victimes au meurtrier. Toutes des femmes, âgées de 21 à 43 ans, seules, habituées du quartier de la gare de Mons, un quartier qui n'avait pas très bonne réputation. Ces femmes étaient: Carmelina R. (quadragénaire disparue depuis le 4 janvier 1996), Martine B. (43 ans disparue le 22 juillet 1996), Jacqueline L. (33 ans, n'a plus donné signe de vie depuis le 22 décembre 1996), la plus jeune: Nathalie G. (21 ans disparue le 16 mars 1997) et Begonia V. (37 ans disparue depuis juillet 1997).
Pas vu, pas pris 
  En 20 ans, les enquêteurs ont exploré 1700 pistes. Il y a eu plusieurs suspects aussi: Léopold B., dit « Le Gitan », un Monténégrin qui a séjourné en Belgique, ou encore un médecin ORL de Mons. Aucune piste n'a jamais abouti. Il n'y a jamais eu aucune preuve. En réalité, cette enquête a été rendue particulièrement difficile par le fait qu'il n'y avait pas de scène de crime, pas d'arme du crime (on ne sait même pas où ni comment sont mortes les victimes). Il n'y a quasi pas de traces ADN, d'empreintes. Sans compter qu'il y a 20 ans, les GSM étaient bien moins utilisés. Les enquêteurs ne purent se baser sur l'analyse de la téléphonie. Il leur a aussi clairement manqué le témoin-clé. Celui qui amène l'info déterminante, qui met la police sur la bonne piste.
Qu'est-il devenu ?
  La question est: pourquoi ça s'est arrêté ? Pourquoi le tueur s'est-il brutalement arrêté après avoir tué et démembré post-mortem les 5 victimes ? En vérité, c'est qu'on l'ignore. Les spécialistes estiment que le tueur en série a pu déménager, qu'il a pu être incarcéré. Ou qu'il est mort... voire « guéri ». On peut tout imaginer. Puisqu'on ne sait pas qui c'est, ni où il est.
Il y a peu de temps, il y avait deux enquêteurs qui travaillent sur ce mystère. Au départ, la cellule CORPUS disposait de 12 enquêteurs. Rappelons que c'est l'affaire criminelle belge non résolue la plus importante de ces 50 dernières années. 
Y a t-il encore un espoir ?
  Vingt ans après les faits, certains continuent à croire qu'on pourra un jour résoudre le mystère.  Le substitut du procureur du Roi, de Mons, est de ceux-là. Il suit le dossier depuis le début. Il confirme que l'enquête n'est pas terminée et que des analyses sont encore menées aujourd'hui, avec l'aide des techniques scientifiques les plus modernes: 
« Nous avons un certain nombre de traces ADN qui ont été analysées avec les techniques de l'époque. Il faut bien reconnaître qu'en 1997, l'ADN était une notion un peu mystérieuse et on veut savoir s'il n'y a pas une possibilité de faire des analyses plus précises; vérifier s'il y a moyen de leur faire dire plus que ce qu'ils ont pu nous dire en 1997 ».
Les enquêteurs ont demandé à l'INCC (l'Institut national de criminalistique) de refaire des analyses sur les prélèvements de l'époque, à la lumière de la technologie d'aujourd'hui. On ignore quand ces analyses aboutiront. Les enquêteurs ont encore environ dix ans avant que les faits soient prescrits. 
À ce jour, L'identité du tueur – pour autant que les meurtres en question soient véritablement l'œuvre d'un seul et même individu – demeure à ce jour inconnue. Il est à noter que depuis le début de l'enquête en 1997 jusqu'en 2010, près de 1000 dénonciations ont été faites. 
(Cet article est composé à partir d'un article publié sur le site de la RTBF. Les noms ont été volontairement supprimés) 

Sur ce... à bientôt pour une prochaine autopsie. Bonne lecture !