27/04/2017

Zoom sur une anecdote: 

Le Cabinet du Dr Caligari / M le maudit 



« - Avec le laissez aller de ces cochons de Weimar. Le vice pourrissait la société. Heureusement, nous avons remis de l'ordre. » 
Werner ne broncha pas. Le cinéma expressionniste, le Cabinet du Dr Caligari, M le maudit, de Fritz Lang, disparurent dans une rasade de vin blanc.  
Les souvenirs de Behring, ses allusions à une période révolue apparaissent fugitivement dans l'esprit de son garde du corps. Il les avaient vécu par écran interposé lors d'une séance dans un ciné club quelque part dans une ville quelconque. Examinons de plus près ce que les cochons de Weimar produisaient et que Behring exécrait et entront dans le cabinet du Docteur Caligari. 

  Le Cabinet du Docteur Caligari (Das Cabinet des Dr. Caligari) est un film expressionniste et muet allemand de Robert Wiene sorti en 1920. Devenu l'acte de la naissance du genre horrifique, le film introduisit une iconographie, des thèmes, des personnages et des expressions qui seront importants pour des films comme Dracula réalisé par Tod Browning en 1931 et Frankenstein ou La Fiancée de Frankenstein de James Whale (tous les deux en 1931). 



Asile de fous  

  Dans une fête foraine, vers 1830, le docteur Caligari exhibe Cesare, un somnambule. Celui-ci prédit à un étudiant, Alan, qu'il vivra jusqu'à l'aube. Il est en effet assassiné dans son lit. Son ami Francis soupçonne Caligari. La jeune fille que convoitaient Alan et Francis est enlevée par Cesare. Poursuivi, le somnambule s'écroule après avoir abandonné son fardeau. Francis poursuit Caligari qui se réfugie dans un asile de fous, dont Caligari s'avère être le directeur, et Francis un des patients ainsi que la jeune fille convoitée. Deux personnages discutent sur un banc dans un parc. Le plus jeune, Francis, raconte le drame qu'il vient de vivre. 

La fête foraine

  La nuit suivante, le Secrétaire de Mairie est assassiné. Le lendemain, Francis et son ami Alan vont à la fête foraine. Ils assistent au spectacle du Dr Caligari qui présente Cesare le somnambule. Celui-ci prédit à Alan qu'il mourra avant l'aube. De retour de la fête foraine, en marchant dans les rues désertes, Francis et Alan rencontrent Jane, qu'ils aiment chacun secrètement. Alan est assassiné chez lui dans la nuit. Alors que Francis soupçonne le Docteur Caligari et Cesare d'être les auteurs du crime, une femme manque d'être assassinée la nuit suivante et l'homme à l'intention meurtrière, un vagabond, est arrêté pendant qu'il tentait de fuir. Intriguée par les soupçons de Francis, Jane rend visite au Dr Caligari et à Cesare dans leur stand de la fête foraine. Elle s'enfuit précipitamment terrifiée par les deux hommes. Interrogé par la police, le vagabond reconnait son intention de tuer la femme, mais en aucun cas les meurtres du secrétaire de mairie ni de Alan. 


Le somnambule 

  Peu après, Cesare tente d'assassiner Jane alors qu'elle dort chez elle, mais échoue. Puis il essaye de l'enlever, mais pris en chasse par les villageois, l'abandonne. Caligari s'enfuit lui aussi, poursuivi par Francis. Il se réfugie dans un asile psychiatrique, dont il s'avère en fait qu'il est le Directeur ! L'étau se resserre autour de Caligari, des documents trouvés dans son bureau attestent qu'il a manipulé Cesare le somnambule pour le conduire à commettre des meurtres sous son contrôle. Il voulait prendre la place du vrai Caligari, un autre mystique qui lui aussi manipulait un somnambule, cela afin de découvrir le secret de son contrôle. Démasqué, Caligari achève de sombrer dans la folie, il est interné avec une camisole de force dans son propre asile psychiatrique. 

Caligari 

  Francis achève le récit de son aventure. Il quitte le parc pour pénétrer dans la salle principale de l'asile psychiatrique qui est remplie de malades mentaux. Il y croise Cesare, et Jane qui tient des propos incohérents. Derrière lui un homme descend les escaliers. Il s'agit du directeur de l'asile qui a les traits de Caligari. Francis l'aperçoit et pris de démence tente de l'empoigner. Mais il est immédiatement maîtrisé par des infirmiers et conduit dans une cellule d'isolement. Le directeur l'examine et s'exclame : « J'ai enfin compris sa démence, il me prend pour le mystique Caligari ! Je connais maintenant le moyen de le guérir ! ».

Expressionnisme 

  Le film décrit en fait le délire d'un fou, en l'occurrence Francis. Ce film donnait à voir une histoire de fou racontée par un fou, ce qui était déjà révolutionnaire à une époque où le récit à la première personne n'existait pas encore. Les décors faits de fausses perspectives, tout en oblique, d'angles aigus, de proportions tronquées, l'écriture des cartons intertitres, la colorisation de la pellicule différente selon les scènes, et bien sûr le jeu expressionniste des acteurs, sont autant d'éléments qui contribuent à accentuer cette impression d'irréalité. Ce décor correspond donc bien au mouvement de l'expressionnisme allemand, caractérisé par le chaos, les formes violemment torturées. L'éclairage joue également un rôle important en jouant sur l'affrontement de l'ombre et de la lumière et en soulignant ainsi les contrastes. 
« Les films doivent être des gravures rendues vivantes », affirma Hermann Warm, l'un des trois décorateurs du film. 
C'est théâtral, c'est graphique, c'est bizarre, c'est hypnotique ! Entrez mesdames et messieurs, entrez et frissonnez durant 1:17:08 ! 


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  Et maintenant, suivons l'errance tragique de Hans Beckert. Hans Beckert ? Allez-y continuez vous saurez qui est cet individu. 
« Toujours, je dois aller par les rues, et toujours je sens qu'il y a quelqu'un derrière moi. Et c'est moi-même ! Quelquefois c'est pour moi comme si je courais moi-même derrière moi ! Je veux me fuir moi-même mais je n'y arrive pas ! Je ne peux pas m'échapper ! Quand je fais ça, je ne sais plus rien. Ensuite je me retrouve devant une affiche et je lis ce que j'ai fait, alors je me questionne: J'ai fait cela ? » 
Ainsi s'exprime d'une façon désespérée M, révélant son aliénation et son dédoublement intérieur. 

Meurtrier 

  M le maudit (M-Eine Stadt sucht einen Mörder ou Une ville cherche un meurtrier) est un film allemand réalisé par Fritz Lang, sorti en 1931, premier film parlant du réalisateur. Le film montre les habitants d'une grande ville allemande, jetés dans la terreur et l'hystérie par un meurtrier d'enfants, si bien que la police et la pègre se mettent ensemble à sa poursuite. Des avis de recherches sont lancés et une récompense est promise. 
Dans une cité ouvrière, une mère attend impatiemment le retour de sa fille de l'école, mais un inconnu (on ne verra jamais son visage) réussit à l'attirer avec des sucreries. Après avoir découvert le cadavre, la police intensifie ses efforts de recherche, en vain. Les habitants en viennent à se soupçonner les uns les autres. Les rafles et les contrôles incessants dérangent les bandes criminelles dans leurs affaires. Aussi la pègre décide-t-elle, sous la direction de Schränker leur chef, de chercher elle-même le meurtrier. Grâce à un vendeur de ballons aveugle mais pas sourd qui a entendu la chanson que le tueur siffle, la pègre mettra la main sur le criminel. Le leitmotiv que M siffle avant chaque acte s'intitule: Dans l'antre du roi de la montagne qu'Edvard Grieg composa en 1874 pour la pièce de théâtre Peer Gynt, écrite par l'auteur norvégien Henrik Ibsen en 1867. Cette célèbre ritournelle est en fait un extrait de la musique de scène, no 7 de l'op.23 qui donnera plus d'intensité à l'accompagnement musical. 



Berlin 

  C'est grâce à la fameuse marque « M » faite à la craie sur le manteau de Hans Beckert, alias M, interprété par le cultissime Peter Lorre La police empêchera le tribunal de la pègre de lyncher le meurtrier. La sentence finalement prononcée par le tribunal, légal celui-ci, n'est pas dite, Schränker ayant déjà évoqué le scénario le plus probable.
Il s'agit du premier film parlant de Fritz Lang qui avait jusqu'alors dirigé plus d'une douzaine de films muets. Avec le temps, M le maudit est devenu un classique reconnu. Bien que la ville où se déroule l'action ne soit pas nommée, plusieurs indices dans le film permettent de comprendre que l'action se déroule à Berlin. Une publicité pour un journal berlinois, le plan de Berlin dans le bureau du commissaire, le fait que le commissaire parle d'une ville de 4 millions d'habitants (ce qui ne pouvait, à l'époque, correspondre qu'à Berlin), le nom Alex faisant référence à l'Alexanderplatz (qui était également le surnom du siège de la police berlinoise) est également cité plusieurs fois. Pour décrire l'attitude de la pègre, Fritz Lang s'était inspiré des Heimatklänge, Hand in Hand et des Deutsche Kraft, des clubs qui, sous couvert de promotion du sport, vivaient en partie de revenus provenant du chantage ou de la prostitution. À la fin des années 1920, ils comptaient environ 1000 membres. Ces clubs avaient un code d'honneur très strict. 

Les Assassins sont parmi nous  

  Pour l'historien Marc Ferro, ce film est représentatif de la montée du nazisme en Allemagne. Le film devait d'abord s'appeler Mörder unter uns (Les Assassins sont parmi nous). C'est sous ce titre que Lang sollicita la location de l'ancien hangar à zeppelins (les fameux dirigeables) de Staaken, près de Spandau à l'ouest de Berlin, reconverti en studio de cinéma. Il se vit répondre par le directeur qu'il ne l'aurait pas. Lang en comprit la raison, il avait remarqué l'insigne nazi épinglé au revers de la veste du directeur. Celui-ci craignait que le titre concerne le mouvement nazi. L'autorisation fut accordée dès qu'il comprit que l'histoire concernait un assassin d'enfants. Car le scénario se base sur une vague de meurtres d'enfants qui ensanglantèrent l'Allemagne durant les années 1920, dont celle de la ville de Breslau qui se déroulèrent en 1929. Outre Peter Kürten, le Vampire de Düsseldorf, il s'inspire aussi des meurtriers Fritz Haarmann, Karl Grossman et Karl Denke. 

Faire vrai  

  Peter Lorre était né dans l'empire d'Autriche-Hongrie, dans les Carpates, dans l'actuelle Slovaquie et décédera le 23 mars 1964 à Los Angeles. D'origine juive, il quittera l'Allemagne en 1933, l'année de l'avènement d'Hitler (plus précisément le 25 février, soit deux jours avant l'incendie du Reichstag), il se réfugiera d'abord à Paris (à l'hôtel Ansonia, rue de Saïgon, refuge de nombreux artistes allemands et autrichiens), puis à Londres. M le maudit fut son film le plus connu. Pendant des années après la sortie du film, Peter Lorre est restera catalogué comme un méchant pour y avoir été un meurtrier d'enfants (et, c'est sous-entendu, un pédophile). La renommée du film lui ouvrira les portes d'Hollywood, où il jouera surtout de remarquables seconds rôles, aux interprétations inoubliables, notamment dans L'Homme qui en savait trop, Le Faucon maltais, Casablanca, et surtout Arsenic et vieilles dentelles. Il est à noter que c'est Fritz Lang, et non Peter Lorre qui siffle dans le film. Pour que cela fasse plus « vrai » la production avait embauché des membres de la pègre berlinoise pour le tournage. Le commissaire Lohmann apparaîtra dans un autre film de Fritz Lang: Le Testament du docteur Mabuse (1933). En 2008, les Cahiers du cinéma placèrent le film à la 6e place dans la liste des 100 films à posséder pour une cinémathèque digne de ce nom. Vous ne l'avez jamais vu ! Ouvrez vos mirettes, voici le chef d'oeuvre. Ne vous tracassez pas le film est sous titré dans la jactance de Molière. Bonne séance ! 


Sur ce... à bientôt pour une prochaine autopsie. Bonne lecture !











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