20/04/2017

Zoom sur un élément de l'enquête: 

Un pillage organisé 


   « Dans le premier chapitre, sous-titré « Le pillage des banques » j'appris que mille cinquante huit tonnes d'or confié à la Banque de France par diverses nations avaient été « gracieusement » offert aux nazis. » 
Nelson Valbo, bien qu'il sache déjà que l'Etat Français avait été une brigade de larbins pour les nazis, découvrit qu'il méritait le surnom de: La Joie de ses maîtres. Prêt à gémir lorsque ceux-ci le grondait. Mais il n'est pas le seul à avoir lu des articles sur le sujet; Max Behring et Beno Fussli aussi en ont l'occasion. Jetons y un œil. 

Colère d'un traîne savate

  En janvier 1939, Adolf Hitler prépare activement la guerre. Le peintre raté est furieux, car il vient de prendre connaissance d'une note confidentielle, datée du 7 janvier, préparée à son intention par le président du directoire de la Reichsbank, Hjalmar Schacht. Le ton du message est en effet alarmant. Le IIIe Reich, explique Schacht, est au bord de la banqueroute: 
« Il n'y a plus de réserves ni de devises à la Reichsbank. Les réserves constituées par l'annexion de l'Autriche et par l'appel aux valeurs étrangères et aux pièces d'or autochtones sont épuisées. Les finances de l'Etat sont au bord de l'effondrement », écrit-il. 
L'Allemagne qui, quelques mois plus tard, va lancer ses troupes à travers l'Europe a les caisses vides !!! Un traîne savate autrichien va obliger une armée de gonzes à se répandre par monts et par vaux sans un fifrelin dans l'morlingue !!! Un rêve de taulier, obliger des types à bosser gratos !!! 

Main basse sur la braise 

  Dès le début de la guerre, c'est donc de manière systématique que les nazis organisent le pillage. Les victoires éclairs de la Wehrmacht en juin 1940 marquent le début d'une chasse au trésor sans précédent. Dans tous les territoires occupés, les services de la Reichsbank, les SS, les Affaires étrangères et les services économiques de divers autres ministères participent au pillage des lingots, des pièces, des bijoux et des devises. Le bras opérationnel de ce gangstérisme d'Etat, ce sont les commandos mobiles, les Devisenschutzkommandos, « les commandos de protection des devises ». Bel euphémisme. Leur pouvoir est illimité: ils fouillent les caisses d'épargne, les banques privées et leurs filiales, collectent l'or des bijoutiers, des joailliers, écument le marché noir, saisissent des biens privés et forcent les coffres de certains clients des banques. Les résultats sont à la hauteur des espérances des nazis. Pour la seule Belgique, entre novembre et décembre 1940, la curée des « commandos de protection des devises » rapporte l'équivalent de 4 320 millions de francs actuels et de 250 millions de devises. Revers de cette efficacité: rapidement, le territoire belge n'est plus une source attractive. Le salut pour les nazis vient alors des Pays-Bas. Ils mettent la main sur 100 tonnes d'or de la banque nationale complétés par le butin des commandos de devises, en tout l'équivalent de 5400 millions de francs réactualisés. L'essentiel de ce magot de guerre paie les livraisons d'acier, de tungstène, de pétrole, du wolfram en provenance des pays neutres. Mais le gisement néerlandais s'épuise aussi. L'or de la Banque nationale belge (BNB), mis à l'abri en Afrique, devient alors un enjeu central pour les nazis. 

La Banque d'errance 

  Le 26 juin 1940, quatre semaines après la capitulation de l'armée belge, le roi Léopold III, prisonnier de la Wehrmacht, demande au Führer de bien vouloir rapatrier l'or belge, qui serait caché à proximité de Bordeaux. Les Allemands interrogent les autorités de Vichy. Avec diligence, la réponse française énumère les réserves d'or déposées à la Banque de France: 4 944 caisses qui contiennent effectivement 221, 730 tonnes d'or de la Banque nationale belge, 1 208 caisses, soit 57 tonnes d'or polonais, 10 tonnes d'or luxembourgeois, letton, lituanien, norvégien et tchèque.     Tout cet or avait été confié à la Banque centrale française pour le mettre en lieu sûr. Mais Vichy précise que cet or n'est plus à Bordeaux, il est sur le continent africain. En effet, le 18 juin 1940, le même jour où de Gaulle avait lancé son appel à la France libre depuis Londres, vingt-quatre heures après que le maréchal Pétain eut demandé un armistice au IIIe Reich, une escadre d'or, comme au temps des galions espagnols, avait levé l'ancre. Elle était chargée de 288,730 tonnes d'or. Les Etats-Unis étaient la destination prévue, mais les bateaux britanniques ne viendront pas au rendez-vous. Cap est donc mis sur le Sénégal, loin de Hitler et des champs de batailles européens. En France, les autorités pétainistes veulent croire qu'elles tireront profit d'une politique de sacrifice volontaire et de collaboration avec le IIIe Reich. De leur propre initiative, elles proposent à Berlin de servir d'intermédiaire pour récupérer l'or. Après tout, le Sénégal est une colonie française. La réponse allemande claque comme une gifle. Le 12 septembre 1940, Johannes Hemmen, le chef de la délégation allemande chargé de récupérer l'or belge, lance au gouverneur de la Banque de France, Bréat de Boisanger: 
« En Belgique, c'est nous qui sommes les maîtres. Nous avons donc tous les droits sur la Banque de Belgique, et c'est à titre de client que je vous demande de mettre notre or en sécurité. Je vous prie de le faire transporter en Belgique, ou tout au moins à Paris. » 
Cette exigence est contraire au droit international. Mais les nazis s'en moque comme de leur première couche culotte. Haro sur les lingots ! 

Faux et usage d'info 

  Les Allemands ont déjà fait main basse sur l'or autrichien après l'Anschluss, puis sur celui de la ville libre de Dantzig. Pour l'or belge, les nazis mettent cependant les formes: ils convoquent une conférence le 10 octobre 1940 à Wiesbaden. Le gouverneur de la Banque nationale belge, Janssen est écarté; officiellement, « il est subitement tombé malade ». C'est von Becker, un commissaire allemand, qui le remplace. Les nazis se font le porteur d'un (faux) message de Janssen, qui demande le rapatriement de l'or belge. Le droit mis au pas, reste à récupérer l'or pour Hitler. Vichy vient une seconde fois au secours des Allemands. C'est novembre 1940. Pétain décide d'accomplir « un geste symbolique de réconciliation » avec le IIIe Reich. Il envoie deux avions chercher quelques tonnes d'or au Sénégal pour les livrer aux nazis. Puis, Vichy ordonne, sans en avertir les gouverneurs des banques centrales, de livrer la totalité de l'or belge aux Allemands. 

Les voyages forment la richesse 

  L'opération est en soi risquée: seule la voie de terre qui passe par la savane sénégalaise vers le désert saharien offre une sécurité suffisante face aux sous-marins et aux avions alliés. Qu'importe ! Les caisses d'or partent pour une invraisemblable odyssée. C'est d'abord Thiès, puis la ville de Kayès à l'intérieur des terres, Bamako sur la rive gauche du Niger, Kukikuru, tête de ligne du chemin de fer et ancienne capitale du Soudan français. Là, les caisses sont transbordées dans des camions légers ou sur des bateaux sur le Niger, mais les inondations bloquent le convoi. Après des mois d'attente, les caisses parviennent à l'oasis de Tombouctou, puis atteignent Gao, la ville sainte des musulmans d'Afrique occidentale. Nouveau transbordement et cette fois, c'est à dos de chameaux ou sur des camions, que les caisses chargées d'or parcourent les 1 700 km de piste jusqu'à Colomb-Béchar, dans le sud algérien, puis par train (1 600 km) parviennent jusqu'à Alger. Là, des avions-cargo français, puis des appareils allemands les conduisent à Berlin. En tout, un voyage de dix-huit mois. Le dernier transport atteint la capitale allemande le 26 mai 1942. Impuissants, les Belges protestent. Falsifiés, les lingots sont acheminés en Suisse afin de servir l'effort de guerre nazi. 

Si Hergé en avait eu connaissance nul doute que Tintin, le reporter du vingtième siècle, aurait mené l'enquête et pourquoi pas Indiana Jones. Cette péripétie quoique étonnante lève le voile sur un pan (méconnu par bon nombre d'individus) de la Seconde Guerre Mondiale. 
Sur ce... à bientôt pour une prochaine autopsie. Bonne lecture !


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