04/05/2017

Zoom sur une anecdote: 

L'innommable 


« Cette même gêne qui m'empêchait de lui dévoiler ce que je pressentais. », « Entendre l'innommable sans y être préparé supposait une sacré dose d'humilité ou d'humanisme. Ne l'a connaissant pas, je m'abstins de lui donner des détails précis. » 
 Même s'il n'a pas vécu cette très sombre période de l'Histoire de l'Europe, dévoiler ce dont il se doute à Mme Huart, risque t-il de changer son attitude face à l'un des pensionnaires de la maison de retraite ? Nelson Valbo préférera jeter un voile pudique sur l'origine de la cargaison. Si la curiosité intellectuelle l'emporte, vous pouvez vous faire une idée plus précise de l'univers où été prélevé la cargaison en lisant le témoignage d'un homme et le roman inspiré de la biographie du commandant du plus important camp de concentration et d'extermination nazi. 


Eugen Kogon 



Eugen Kogon en 1945 


Un des fondateurs de la RFA

  Né le 2 février 1903 à Munich et mort le 24 juillet 1987 à Königstein im Taunus, est un journaliste et sociologue allemand. Opposant au Parti national-socialiste il a été arrêté en 1939, et détenu pendant six ans au camp de Buchenwald où il était le secrétaire particulier du médecin chef Erwin Ding-Schuler.
Après des études d'économie et de sociologie à Munich, il rédige une thèse portant sur « L'État corporatif et le fascisme » qu'il soutient à en 1927 à Vienne, où il travaille comme journaliste au Schönere Zukunft jusqu'en 1932. Influencé par Othmar Spann, opposé au socialisme et défenseur d'un État chrétien corporatif, il appartient au cercle de Vienne (Wiener Kreis). Il est déporté au camp de concentration de Buchenwald de septembre 1939 jusqu'à la libération du camp par les Américains en 1945, soit pendant sept années.
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, aux côtés de Walter Dirks, Eugen Kogon travaille à mettre en lumière les origines du national-socialisme et à renouveler la pensée politique allemande, notamment dans les Cahiers de Francfort (Frankfurter Hefte); il se lie avec les milieux fédéralistes et européistes.
L'État SS (éd. Seuil, 1970 ; Seuil poche, 1993) (Der SS-Staat, Das System der deutschen Konzentrationslager, 1946; première éd. et trad. française en 1947 sous le titre: L'Enfer organisé - Le système des camps de concentration, éd. La Jeune Parque) avec Hermann Langbein, Adalbert Rückerl, Les chambres à gaz secret d'État (éd. Minuit, 1984; éd. Seuil poche, 1987)(Nationalsozialistische Massentötungen durch Giftgas - Eine Dokumentation, Frankfurt, Fischer, 1983). Il est considéré comme un des intellectuels fondateurs de la RFA (République fédérale d'Allemagne). 

« Moulin à os »

  Le livre comporte 21 chapitres portant essentiellement sur Buchenwald, avec des échappées sur Dachau et quelques autres camps.Le chapitre 2 est intéressant, car il évoque une question sur laquelle les enseignants s’interrogent souvent: y avait-il une classification des camps, des catégories de camps, plus ou moins dures ? 
Selon Kogon, il y a bien 3 degrés de camps, d’après une directive de l’office central de gestion économique des SS. 
1er degré: le camp de travail.
2e  degré: le camp de travail où les conditions de vie et de labeur sont plus difficiles. 
3e  degré: le « moulin à os » (expression utilisée par Eugen Kogon), d’où il est rare de sortir vivant. 
Kogon précise que cette classification n’est pas rigoureuse. Dachau était de 1er degré, alors que les conditions de détention ont toujours été plus pénibles qu’à Buchenwald, de degré 2. Selon lui, une des différences tiendrait dans le ravitaillement, forcément plus mauvais dans les catégories plus basses.


Sauvetage de Stéphane Hessel 

  Eugen Kogon ne traite pas spécifiquement de la Résistance dans le camp, mais dans le chapitre 15, « Tragédies collectives et opérations spéciales », il montre comment fin 1944 il a été possible de sauver 3 agents secrets alliés, par substitution d’identité avec des détenus morts... dont bénéficie Stéphane Hessel, qui devient Michel Boitel. Sur le sort des juifs, abordé à plusieurs reprises, l’auteur donne la parole à plusieurs rescapés, qui racontent les massacres commis dans les forêts proches de Riga, les camions à gaz ou la révolte du ghetto de Varsovie. 

Exemples de couvertures françaises de L'État SS 



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Robert Merle 



Robert Merle en 1964 

Marqué par la guerre

  Écrivain français, né à Tébessa (en Algérie) le 29 août 1908 et décédé le 27 mars 2004.Titulaire d'une licence de philosophie, agrégé d'anglais, Robert Merle consacre sa thèse de doctorat de lettres à Oscar Wilde et devient professeur au lycée de Bordeaux, Marseille, puis à Neuilly-sur-Seine où il fait la connaissance de Jean-Paul Sartre, à l'époque professeur de philosophie. Mobilisé en 1939, Robert Merle est agent de liaison avec les forces britanniques. Il est fait prisonnier à Dunkerque. Il témoigne de son expérience dans la poche de Dunkerque dans un documentaire d'Henri de Turenne et reste en captivité jusqu'en 1943. Il a été marqué par la guerre et par sa captivité de 1940 à 1943. Ceci explique que beaucoup de ses romans traitent de la hantise du lieu clos et de la guerre. Par ailleurs, nombre de personnages de ses romans sont inspirés par ses proches et sa vie personnelle.
1949: Week-end à Zuydcoote (prix Goncourt): près de Dunkerque assiégé par les Allemands en mai-juin 1940 un soldat français tente d'embarquer avec les troupes anglaises pour rejoindre l'Angleterre (adapté au cinéma par Henri Verneuil en 1964 avec Jean Paul Belmondo, Pierre Mondy).
1952: La mort est mon métier: roman historique inspiré de la biographie de Rudolf Höß (renommé Rudolf Lang dans le livre), commandant du camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau pendant la Seconde Guerre mondiale. Une adaptation cinématographique sera tournée en 1977 par Theodor Kotulla (Aus einem deutschen Leben). 

Fonctionnaire zélé 

  À la fin de la Première Guerre Mondiale, il se retrouve au chômage, rejeté par sa famille. Il s'apprête à se suicider lorsqu'un de ses collègues arrive et lui brandit un tract en lui disant de ne pas trahir l'Allemagne en se donnant la mort.
Il adhère au parti nazi et se voit confier la direction d'une ferme avec sa femme Elsie, où il vit des journées de dur labeur, mais paisibles. Puis, après la prise du pouvoir par Hitler, il entre dans les SS, n'ayant pourtant pas les critères requis pour y adhérer. Il accède à des fonctions de plus en plus importantes dans la hiérarchie SS, jusqu'à devenir commandant du camp d'Auschwitz. Ce camp, d'abord de concentration, puis d'extermination, devient le lieu de la lente et tâtonnante mise au point de l'Usine de Mort du village d'Auschwitz. Il y reçoit l'ordre du Reichsführer Himmler de supprimer 500 000 unités par an au lieu des ridicules 80 000 unités de Treblinka. Lang va s'attacher à accomplir la mission qui lui a été assignée: tuer le plus grand nombre de Juifs et éliminer le plus efficacement possible les cadavres. Après la guerre et la chute d'Hitler, il est emprisonné, puis condamné à la pendaison après son procès où il affirmera avoir seulement suivi les ordres en bon fonctionnaire zélé, indiquant d'un air naturel qu'il a supervisé et participé activement au meurtre de « seulement » 2,5 millions de personnes au lieu des 3,5 millions prévus. 

Qu'est-ce que la morale ?

  Tout au long du livre, il se montre incapable de sentiments et même d'action personnelle, car sa conduite lui a toujours été dictée par un chef en qui il portait une confiance totale. À la fin, on le sent cependant en colère se disant trahi par Himmler, qui, tel un lâche, s'est suicidé, et n'a ainsi pas voulu assumer son rôle dans l'extermination des Juifs, laissant Rudolf seul responsable de ses actes. Jusqu'au bout, il assume cependant son idée du chef, en répétant froidement et méthodiquement qu'il est le seul responsable de ce qui s'est passé à Auschwitz, et en énonçant sans difficulté les atrocités commises. Son seul moment de doute survient lorsque sa femme apprend ses activités, mais, ayant été choisi pour ses rares qualités de conscience il n'accorde pas d'importance à la morale. 

Exemples de couvertures françaises de La mort est mon métier 



Exemples de couvertures allemandes de La mort est mon métier 




C'est en ayant lu ces livres que Nelson Valbo éprouve de la gêne. En conclusion, lisez L'État SS et La mort est mon métier. Ce n'est pas remboursé par la Sécu mais c'est accessible et recommandé à toutes personnes saines d'esprit. 

Sur ce... à bientôt pour une prochaine autopsie. Bonne lecture !    



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