27/03/2017

Tranche de vie: 

À la rencontre d'un personnage au hasard des pages. 


Qui est-ce ? 

  Le nom (modifié par respect pour elle et sa famille) de cette personne apparaît lors de l'enquête mené par Nelson Valbo. Dans la réalité cette dame a été une des trop nombreuses femmes dont les actions sont méconnues par les vulgum pecus actuels. La guerre n'aurait pas été écourtée mais elle a permit de mettre des bâtons dans les roues de la Wehrmacht. Ne sortez pas les colifichets patriotiques, ne chantez pas (faux la plupart du temps) la Marseillaise ! Non, non, non, vous auriez tout faux. Résumons son histoire. 
 Née Davidson, Dora Schaul travaillait dans une école de commerce d'Essen en Allemagne. Elle s'exila à Amsterdam puis en France en 1934. Elle était juive. Frappé par la législation mis en place par le gouvernement Daladier concernant les étrangers, à la déclaration de guerre elle se déclare à la Préfecture de Paris pour ne pas être confondue avec les nazis. 
  Elle est alors arrêtée et internée à la Petite Roquette le 16 octobre 1939 comme « ressortissante d'une puissance ennemie et étrangère indésirable ». Elle sera transférée le 18 au camp de Rieucros, en Lozère. C'était un camps de femmes étrangères essentiellement des antifascistes allemandes ou des républicaines espagnoles. Elle y restera jusqu'à la fermeture du camp en février 1942. Toutes les femmes seront transférées au camp de Brens dans le Tarn. D'où elle s'évadera le 14 juillet 1942. Elle échappera à la déportation des allemandes et des quelques polonaises ayant eu lieu un mois plus tard. 
  Un mois après son évasion elle rejoint Lyon et s'engagera dans l'organisation le « Travail Allemand » ou TA, réseau antinazi créé au sein du PCF en août 1941. Elle rejoint la résistance française. On lui procura des faux papiers et devint une ressortissante française d'origine alsacienne et travaillera dans les premiers temps à la Brasserie Georges (qui était réquisitionnée en temps que cantine pour la Wehrmacht). Au printemps 1943 elle se fait embaucher au sein de la Deutsche Feldpost (Poste militaire allemande) installée dans une aile de l'École de Santé militaire située avenue Berthelot (actuellement c'est le Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation) sous une nouvelle identité: Renée Fabre (voir sa carte d'identité de l'époque).  


 Elle communiquera à la résistance toutes les informations dont elle aura connaissance, les mandats en provenance d'Allemagne, les lettres rangées selon les codes postaux des divisions de la Wehrmacht en mouvement en France qu'elle trie à longueur de journée. À la barbe de Klaus Barbie. La Gestapo s'installera en juillet 1943 en face de son service. 
  Elle ne reverra jamais ses parents et sa sœur restés à Essen puis déportés à Majdanek. À la fin de la guerre elle retournera en Allemagne et épousera Hans Schaul qui avait été interné au camp de Djelfa en Algérie. Dora Schaul est décédée en 1999, une rue de Brens (Tarn) porte son nom. N'oublions jamais les « petites » fourmis qui collèrent des démangeaisons aux barbares nazis, quelles soient noires, rouges, jaunes ou rousses. 
  À propos d'actes de résistance menés par des allemands il serait intéressant de se pencher sur le CALPO. Le CALPO ? C'est quoi ce truc ? Il est sure que certains d'entre nous ouvriraient des yeux comme des soucoupes s'ils apprenaient que leurs communes avaient été libérées grâce à des... soldats allemands ! On ne vous croirait pas. Et pourtant... 
  Certes ils étaient peu nombreux, entre 600 et 800 environ, mais à leur décharge c'était très, très risqué. Prendre des risques pour des étrangers vous considérant en tant qu'ennemi valait la peine de mort, rien de moins. 
   Le Comité Allemagne libre pour l’Ouest (CALPO) était un comité de la Résistance intérieure française. Il s'agissait du pendant en France du Nationalkomitee Freies Deutschland en Union soviétique. Il était chargé d'organiser le Travail Allemand (TA), organisation préexistante qui cherchait à saper le moral des troupes allemandes en France, à recruter des déserteurs de la Wehrmacht et à obtenir des informations pour les mouvements de résistance.
Pour certains historiens, il s'agissait de l'organisation prenant la suite du Travail Allemand, voire constituant une négation du Travail allemand; pour ceux-ci, là où le TA est une émanation des FTP-MOI, principalement pilotée par les Autrichiens et contribuant à la défaite militaire de l'Allemagne par la libération du territoire français, le CALPO est une émanation du KPD en exil, à visée nationaliste (préparer l'organisation politique de l'Allemagne une fois les Alliés victorieux).
Rôle du CALPO
  Le CALPO est créé en septembre 1943, peu après la création en juillet 1943 du Nationalkomitee Freies Deutschland « Comité Allemagne libre » en Union soviétique et la diffusion sur les ondes de Radio Moscou de son manifeste. Le CALPO était présidé par Otto Niebergall, du KPD; ses vice-présidents sont Karl Hoppe (SPD), Wilhelm Leo (SPD), Wilhelm Tesch (DVP), Heinrich W. Friedemann (Zentrumspartei), F. Kümmel (Zentrumspartei), P. Klein (Gewerkschafter), Arno Müller (DNVP), Hans Heisel (KPD). Le Comité siège à Paris, couvre de son réseau la France, la Belgique et le Luxembourg, et dispose d'équipes dans vingt-quatre villes; on considère qu'entre 600 et 800 soldats allemands rejoignirent le mouvement.
  Il est officiellement reconnu en avril 1944 comme mouvement de la Résistance française par le Comité français de Libération nationale à Alger; il est autorisé, après le Débarquement, à intervenir dans les camps de prisonniers, avec une tentative de mise sur pied d'un régiment d'antinazis allemands destinés à lutter contre les forces de l'Axe. Mais considéré comme trop proche de Moscou, le CALPO est écarté début 1945 et mis sous la surveillance du Deuxième Bureau. Le CALPO entre également en relation avec l'état-major d'Eisenhower, et met à sa disposition 35 personnes qui seront entraînées pour être parachutées en Allemagne afin d'organiser une guérilla dans les territoires encore sous contrôle des forces hitlériennes. Le projet n'ira toutefois pas à son terme, la fin de la guerre arrivera avant le parachutage.
  L'organisation prend progressivement la responsabilité de la rédaction des journaux préexistants du Travail allemand, Soldat im Westen « Soldat à l’Ouest », depuis l’été 1941 en zone occupée, et Soldat am Mittelmeer « Soldat sur les bords de la Méditerranée » pour la zone sud, à partir de novembre 1942. La rédaction de ces journaux était jusqu'alors plutôt de la responsabilité d'Autrichiens, Hans Zipper puis Franz Marek pour la zone nord, Oskar Grossmann, en collaboration avec le communiste allemand Ernst Mellis, pour la zone sud. Les titres sont remplacés respectivement par Volk und Vaterland en zone nord et Unser Vaterland en zone sud. Le CALPO a diffusé plus de 5 millions de tracts à destination des troupes d'occupation. Voici un exemple du Soldat am Mittelmeer


Et voici deux exemples de tracts distribués aux risques et périls des résistants. 


  Traduction du tract National-Komitee
 « Comité National. ALLEMAGNE LIBRE. L'Allemagne doit vivre, c'est pourquoi Hitler doit tomber ! Extrait du manifeste du Comité National. Allemagne Libre avec les forces armées et avec le peuple allemand. Le Comité National imprime les pensées et la volonté des millions d'Allemands au front et dans la patrie dont le destin tient au cœur. »  
  
Grace à ces tracts distribués sous le manteau dans les cantines, les casernes occupées par la Wehrmacht, des groupes de résistants obtinrent des pneus, du carburant, des médicaments voire des déserteurs et des armes. Par exemple, le revolver qui servit à abattre le 28 septembre 1943 le colonel SS Julius Ritter, superviseur du STO (Service du Travail Obligatoire) fut donné par Hans Heisel, marin de la Kriegsmarine basé au Ministère de la Marine à Paris.  
  Les témoins disparaissent peu à peu de la scène mais leurs souvenirs sont à jamais dans les coulisses. Le courage ne se clame pas à hauts cris. 
Sur ce, à bientôt... pour une prochaine autopsie. Bonne lecture ! 
   

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire